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Interview : Jean-Christophe Thibert a envoyé Kaplan et Masson sauver Hitler

Il faut sauver Hitler (Glénat), Jean-Christophe Thibert revient sept ans après La Théorie du chaos avec un nouvel album qui est une superbe réussite. Kaplan et Masson, héros de cette poursuite infernale, ont été créés par Convard. Thibert assure désormais scénario et dessin, maître d’une ligne claire parfaite d’une rare précision. Dialogues, personnages, Thibert a ciselé ce thriller qui a pour cadre Rome en 1958 et ou le SDECE français va embrouiller CIA et KGB pour mettre fin aux agissements d’un réseau d’anciens nazis persuadés qu’Adolf est encore en vie. Rencontre avec Jean-Christophe Thibert au Livre de Paris. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Jean-Christophe Thibert, votre ligne claire est de retour pour une aventure débridée avec des anciens nazis, des barbouzes et une doublure d’Hitler ?

Oui, mais j’ai évolué avec le tome 2. Je voulais, en partant de l’idée de Convard, changer totalement d’esprit par rapport au premier album, plus débridé, plus comédie et irrévérencieux par rapport à un Blake et Mortimer.

Que voulez-vous dire par irrévérencieux ?

Parce que on est dans les Blake et Mortimer dans la lecture de patronage, polie. Tout est policé avec des personnages qui manquent d’épaisseur. Si vous demandez à un lecteur quel est le caractère de Blake ou de Mortimer il sera bien en peine d’approfondir. Moi je voulais des personnages beaucoup plus lâchés. De l’irrévérence parce que plus cynique.

On est en pleine guerre froide avec des héros qui en veulent ?

On est effectivement à cette époque. Mes héros comme Kaplan ont une mission et ils vont jusqu’au bout. Si au passage Kaplan peut faire quelques coups fourrés même à ceux qu’il a embarqué avec lui, il n’hésitera jamais.

Votre ligne graphique est très fouillée ?

Cela m’a demandé un gros travail de recherche, de documentation . Je travaille de façon très classique, rien à l’ordinateur. Je ne sais pas. Avant tout il y a un travail de documentation avant le moindre premier trait. Je ne commence pas un album, je ne dessine pas un lieu sans avoir une documentation très riche. La ligne claire n’autorise pas l’approximation. Je fais des crayonnés très poussés et j’ai mis longtemps à sortir l’album.

Cet album est très précis, matériel, uniformologie ?

Précis est le mot juste en effet. Par exemple, la scène dans le train Paris-Rome a été difficile car il n’y a presque pas de photos. Trouver des détails sur le wagon restaurant a été compliqué. Il faut recouper les sources pour avoir des personnages parfaitement immergés dans le décor.

On pense beaucoup à l’ambiance de Lubitsch ?

Merci pour Lubitsch. C’est un point sensible. Mes références sont avant tout cinématographiques. J’aime Blake Edwards avec La Panthère Rose, Billy Wilder ou Lubitsch qui a été le premier à oser faire un délire sur le nazisme avec To be or not to be. Dans mon album les anciens nazis restent des purs et durs du régime.

On est dans la parodie ?

Oui, c’est de l’auto-parodie. Je ne voudrais pas qu’on me prenne trop au sérieux. Mais il y a beaucoup d’action rapide et un brin de délire.

Pour ce qui est des influences cinéma on pense aussi à Ventura, au Gorille, au Monocle avec Paul Meurisse ?

Effectivement, la comédie française des années cinquante. Où Belmondo, toujours le cinéma, tout en tant une admiration folle pour Hergé ou Franquin. Sur l’idée de départ de Convard, j’ai mis en scène avec mes propres éléments cette « chèvre » à savoir un pseudo Hitler qui a infiltré sur ordre des services français un réseau d’anciens nazis. C’est ambigu en fait car cet agrégé d’allemand a des dettes et est tenu par les agents secrets. Il agit aussi par intérêt.

Kaplan et Masson méritent d’avoir de l’avenir en BD ?

On ne sait pas encore. Il y a eu sept ans entre les deux albums. Quoiqu’il arrive je ne travaillerai plus avec un scénariste. Je souhaite être libre d’emmener mes personnages là où je veux. Ce sera dans le même style et état d’esprit, rythmé.

Vous reprendriez la même équipe ?

Oui et la même époque. Kaplan restera une barbouze (surnom des agents français de renseignements sous De Gaulle) sans états d’âme. Il y aura encore des nazis parce que dans les années cinquante-soixante, on nous vend l’amitié franco-allemande acceptée plus ou moins par certains des acteurs. On avait en plus blanchi un tas de gens assez facilement que ce soit des collaborateurs en France ou nazis en Allemagne où on les retrouvait à des postes clés dans la police, les renseignements. Je veux jouer là-dessus. Ils prospèrent car à l’époque la préoccupation ce sont les Soviétiques et la guerre froide. Les Américains vont recruter beaucoup de ces types qui finalement n’étaient pas très bons. En France on avait d’autres préoccupations en raison des guerres de décolonisation.

Kaplan et Masson, T2 Il faut sauver Hitler, Glénat, 13,90 €

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