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Rencontre avec Aurel pour Clandestino, du dessin politique au reportage dessiné

Aurel est un dessinateur de Presse, un journaliste au trait acéré qui manie aussi parfaitement l’humour. Avec Clandestino il plonge dans un autre registre, celui  du reportage dessiné. Aurel envoie son héros, le reporter Hubert Paris, faire ses premières armes sur les traces des immigrants clandestins, de l’Algérie à l’Espagne via le Maroc. Chronique d’un drame méconnu et négligé. Cette chronique a paru aussi dans le numéro de février du mensuel ZOO. Jean-Laurent TRUC.

Aurel. JLT ®

On ne se refait pas. Aurel a déjà tâté du grand reportage avec Pierre Daum, journaliste montpelliérain comme lui. C’était pour Le Monde Diplomatique. «  Je me suis retrouvé avec un matériau considérable, des photos, du vécu et j’ai voulu raconter. Je me suis aperçu que je passais à côté de plein de choses ». Mais Aurel n’a pas voulu faire une  BD reportage pure et dure, un style devenu à la mode, qui éloigne en fait de la BD selon lui. « J’ai eu une certitude.  Je devais introduire une part de fiction et ne pas devenir moi le sujet de mon livre. La fiction permet de prendre du recul ». Aurel, avec la complicité de Cédric Illand éditeur Glénat, se met au travail et s’appuie sur trois de ses reportages réalisés il y a quelques années.

« J’ai mélangé mon séjour au Maroc sur les franco-marocains qui reviennent au bled avec mon reportage à Alger sur les Pieds-Noirs et enfin celui en Andalousie sur les serres espagnoles. Le déclic a été un entretien avec le responsable marocain de l’équivalent de notre ANPE. Surréaliste, j’en suis resté abasourdi ». Aurel reprend dans Clandestino l’épisode qui montre qu’il y a une collusion entre autorités marocaines et espagnoles sur la « fourniture » d’une main d’œuvre bon marché.

Les débuts sur le terrain d’Hubert Paris

Aurel a donc bâti son sujet avec en tête le concept d’une série d’enquêtes dont son héros Hubert Paris, envoyé spécial du mensuel US, Struggle, serait le fil rouge. Paris travaillait dans un journal mais comme secrétaire de rédaction, celui qui met en valeur, enrichit, le travail des autres. Un anonyme jamais reconnu qui franchit le Rubicon, part sur le terrain. « J’ai mis trois ans à boucler l’album. J’ai beaucoup travaillé mon trait. J’ai pris le temps pour sortir Clandestino. On a cadré le format, le rythme narratif, décider de ce que je voulais vraiment faire. Je me suis même battu pour conserver son nom à Hubert Paris (il y a une clé) qui semblait faible à Glénat ». C’est un méticuleux et un intuitif Paris, un quadragénaire qui débarque un peu par hasard dans le monde assez fermé des grands reporters. Il est lucide et a du flair tout en gardant un côté humain, pas blasé.

Il va rapidement tomber sur ces migrants dont il veux connaitre les motivations. A Alger, Oran il comprend leur détresse et en rencontre deux, malgré les obstacles, dont il va suivre la piste vers Almeria, sorte de Lampedusa espagnol. Par bateau ou planqués dans des camions, ils tentent le tout pour le tout. Ils sont parfois totalement paumés psychologiquement comme Magyd, l’un des deux qui se confient à Paris. « Certains  disparaissent. Leur famille ne sait pas ce qu’ils sont devenus. Ce que je raconte est vrai comme le meurtre de deux immigrants en Espagne qui, pour avoir du boulot, offraient leurs services deux pour le prix d’un. Ils ont été tués par d’autres immigrants qui avaient peur de ne plus trouver de travail à cause d’eux ».

Hubert Paris découvre les serres espagnoles, les camps de fortune, les bordels pour immigrés. Mais derrière Paris, il y a Aurel avec sa vision réaliste, professionnelle, journalistique. On sent qu’Aurel a pris plaisir à cette aventure. Il est dans son univers, celui de l’information,  comme, dans un genre différent, pour Hollande et ses deux femmes (Il va falloir une suite). Ou pour Monde de merde et Sarkozy et les riches. Il prépare avec Lindingre une BD de politique fiction pour 2015. Aurel ne brode pas. Les faits, rien que les faits, les témoignages, fiction ou pas. Son dessin sort du cadre de ses albums précédents.

Clandestino ne peut laisser indifférent. Aurel a eu raison de s’embarquer dans cette nouvelle aventure. Son dessin est à la hauteur de  son discours. On apprend beaucoup avec lui. On comprend mieux le destin de ces immigrants qui n’ont pas d’autre issue qu’un chemin à sens unique et souvent sans retour.

Clandestino, un reportage  d’Hubert Paris, envoyé spécial, Tome 1, Glénat, 17,25 €

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