La Gauche, une énigme ou mieux une somme relativement hétéroclite aux tendances parfois antagonistes mais sociales, historiques mais sur laquelle désormais on sait (presque) tout. Dans À bâbord, toute ! Jean-Yves Le Naour et Marko au dessin font la lumière sur ce melting pot politique, humaniste, philosophique, opportuniste (et oui mais comme tout courant ou tendance) qui a pour but le pouvoir, caméléon qui a su s’adapter, s’améliorer pour mieux se casser la figure à la première occasion, se faire hara-kiri. La gauche serait-elle victime de son succès, de ses lumières, de ses espoirs partagés qui ont la triste habitude d’être déçus par des des dérapages intempestifs et des récupérations malvenues en son sein. Reste qu’on en apprend à chaque page, avec humour mais sérieux, sur la naissance, la vie et les hauts et les bas d’une Gauche qui fait partie intégrante, incontournable de la nation et de l’histoire de France.
Jésus de gauche, allons bon. Rousseau son père putatif (pas de Jésus) mais de la Gauche ? Il faut bien reconnaître que c’est à la veille de la Révolution que la Gauche sort de son œuf. Voltaire ne supporte pas Rousseau et boum. Arrive 89 et l’apparition officielle de le Gauche et de la Droite. 11 septembre 1789, on vote pour le droit de véto pour limiter l’action des députés. A gauche les contre, à droite les pour, conservateurs. Et le tour est joué. La Gauche le restera, à gauche. La suite ne va pas faire non plus dans la simplicité. Robespierre y met du sien, pas un marrant et un incorruptible à la guillotine facile. Le babouvisme ancêtre du communisme pointe son nez. On passe sur l’Empereur, la Restauration, industrielle en prime pour la nouvelle révolution mais sans oublier ce qui reste comme le roc de la Gauche, la Commune. Marx brouille les cartes, ténia du socialisme.
Laïcité, égalité, les temps modernes propulsent la Gauche en première ligne. Ce sera le Front Populaire en 36, 1981 (on y va tous gaiement) et Mitterrand qui en prend pour deux septennats, serre les boulons et repasse la balle au centre. On cohabite et ce sera Hollande puis la grande illusion qui devient désillusion. Mélanchon le diablotin émerge. Se plonger dans À bâbord, toute ! c’est éplucher feuille à feuille un artichaut joufflu, géant, plein de surprises, de découvertes, de vérités. On ne lit pas cette somme d’une traite. C’est dodu, argumenté, riche en calories mais nourrissant. Il faut savourer ce travail d’historien de Le Naour et d’illustrateur de Marko. Et demain, au fait la Gauche ? Des grandes manœuvres sont en marche mais la (petite) montagne pourrait bien accoucher d’une souris, face au grand manipulateur qui brasse de la gauche à la droite (qui n’est pas plus brillante) pour un second mandat présidentiel, moi ou le chaos. Sacrés Français, ingérables.
À bâbord, toute ! Histoire de la gauche en BD, Dunod Éditions, 18,90 €
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