Non, on ne va pas traiter de La Chinoise, film de Godard, encore que tourné en 1967, on ne soit pas si loin du sujet évoqué dans ce second opus de Rendez-vous avec X. Régis Hautière a repris un épisode méconnu traité dans le feuilleton radio d’Inter. Un jeune attaché d’ambassade en Chine, en 1964, va se voir embarqué dans une curieuse histoire d’amour qui tournera par contre à une bien réelle affaire d’espionnage au détriment de la France. Intéressant et même passionnant parce que on redécouvre un coup tordu pas banal qui n’a pas laissé de traces indélébiles dans la mémoire collective. Les années soixante ont été le terreau d’une guerre froide qui continuait à mettre en scène des services de renseignements tout puissants en pleine escalade des combats au Vietnam. De plus, dès le début de l’album, Hautière fait la peau aux conspirationnistes que l’on méprisaient autrefois et qui sont devenus pain béni de nos jours grâce aux réseaux sociaux et à la bêtise crasse de bon nombre de nos concitoyens. Il faut un méchant aux imbéciles, illuminati, Juifs, banques. Un monde complexe au bord de l’implosion qui pourrait mettre au pouvoir, comme dans d’autres pays européens, des régimes extrêmes. Hautière pose bien le contexte. Le discours qu’il fait tenir à Monsieur X est d’un terrifiante clarté quand il raconte à Pesnot le destin de ce bon Prudhon, en réalité Boursicot, passionné par la Chine.
Il débarque à Pékin en 1964. Autant dire que ce n’est pas une capitale touristique. Il est muté à l’ambassade pour faire les comptes. On lui conseille d’éviter les Chinois et de s’en tenir aux communautés occidentales. Ce n’est pas un foudre de guerre, ni un génie ce cher Bernard Prudhon. A une réception où il pensait conclure avec une jeune Anglaise, il se la fait souffler par un confrère. Il est abordé par un Chinois, Xian Djuan, un acteur d’une troublante beauté androgyne. Bernard réussit à avoir son téléphone. Commence alors une opération de séduction à plusieurs vitesses. Complètement subjugué, Prudhon force le poids de ses responsabilités à l’ambassade. Xian finit par lui avouer qu’elle est une femme. Ils deviennent amants mais Bernard doit rentrer en France. Quatre ans plus tard il revient mais les Maoïstes sont passés par là. Surprise, Bernard est papa d’un petit garçon planqué chez une nourrice. Les autorités chinoises l’arrêtent. De sa propre initiative, il propose de trahir son pays, de donner des renseignements aux Chinois si sa femme et son fils peuvent partir en France.
Le pire c’est que pas un instant ce bon Prudhon n’a du avoir conscience que dès le départ il était piégé. Il apporte sur un plateau sa propre collaboration à des gens qui n’est espéraient peut-être pas autant. Amoureux fou et honnête en fait par rapport à sa supposée progéniture, il était quand même niais comme on le découvre dans l’album. Une superbe manipulation jugée en 1986 que restitue à la perfection Hautière et Grégory Charlet au dessin d’un trait relevé, aux visages pénétrés. Un cahier sur la révolution culturelle chinoise termine l’album et remet en tête cette époque d’une Chine qui s’affronte, se détruit et dont une poignée de dignitaires tireront les marrons du feu. La couverture est signée Vatine.
Rendez-vous avec X, La Chinoise, Comix Buro / Glénat, 14,95 €
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