Asaf Hanuka ça se mérite. On l’attend, on le déguste, on le savoure et inévitablement on en reprend. Par gourmandise mais surtout pour la saveur subtile d’un talent rare dans un contexte compliqué à la limite parfois d’un surréalisme schizophrénique. Avec Le Réaliste tome 4, Hanuka enfonce les clous. Que l’on pardonne cette métaphore qui pourrait prêter religieusement à confusion à une époque où tout n’est pas librement bon à dire. Et Hanuka lui, au contraire, dessine à tour de bras, humour décalé, à la fois franc et détourné. Il se livre, se met en scène, dans un Israël qui n’en finit pas de se chercher dans une réalité qui a du mal à faire la part des choses.
Qui est qui ? Quel juif est Asaf, quel homme, mari, père, idiot, et moi et moi et moi. Série de portraits qui forme un tout. Il a voulu un sabre laser enfant et a découvert qu’il pouvait déplacer les objets. La force était en lui surtout quand il sale la sauce tomate. Et puis il y a un avant et un après, des muscles qui bougent, se déplacent, gonflent. petite tête, va. On a aimé son smile, les photos d’une vie mais où la fin est un arrêt définitif sur image. Pays, famille, conflit, partir. Un été à Tel-Aviv ce n’est pas reposant, des pages de gags forts, à double entrée, il explose et se reconstruit, recolle les morceaux.
Hanuka est le chroniqueur sans concession d’un Israël à multiples visages. Et de lui-même, de sa vie. Il ne transige pas, Le Prix du bonheur en est un exemple. L’Oncle d’Amérique en est un autre. Coincés avec Trump, Une étoile au Michelin, Hanuka joue avec brio sur tous les registres, d’un trait pas si léger quand on y fait bien attention, mi-comics, dessin de presse à entrées multiples, angoissé et où le monde semble parfois partir en quenouille.
Le Réaliste, Tome 4, Steinkis, 20 €
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