Noël Simsolo est sur tous les fronts. Docteur Radar, Beauté Noire, et maintenant le tome 2 de son Guitry pour Le mal-aimé qui couvre la période de la guerre, la Libération et les années de reconquête du plus fin, talentueux et génial auteur français du XXe siècle. Il va avoir bien des tracas Sacha Guitry. On pardonne rarement le succès en France et une étiquette de collabo se collait vite en 1944. Encore que comme le fait Simsolo sur le dessin affinée de Paolo Martinello, il fallait bien creuser un peu cette période particulièrement trouble. Reste toutefois Guitry, le maître qui va continuer les femmes comme elles l’aiment et à écrire avec ces mots que lui seul savait associer pour en faire des phrases étincelantes de cruauté et d’humour.
Jacqueline Delubac s’en va, Sacha Guitry est un un cœur à prendre. Ce qui ne saurait attendre. Il accumule les pièces de théâtre. Il tourne Ils étaient neuf célibataires, un film contre le racisme et la xénophobie. On est en 1939. La guerre commence. Jouvet, Guitry se détestent. Guitry va prendre les eaux à Dax en 1940. C’est la débâcle. Le Allemands sollicitent l’auteur. Il va tenter de ruser pour éviter la censure, reprend Pasteur, la pièce, dans laquelle le savant renvoie son diplôme de médecin à l’Allemagne. Les dents grincent chez les occupants. Il défend l’acteur Harry Baur qui est juif. On le dénonce lui aussi comme juif. Ce qu’il n’est pas mais doit en fournir la preuve comme les lois de Vichy l’y oblige. Cocteau est à ses côtés. Il refuse de travailler pour la Continental allemande. Barrault joue dans le Fabuleux destin de Désirée Clary. Son couple bat de l’aile. Goering de passage à Paris l’oblige à venir le voir. Guitry signe ce qui sera l’une des causes de son arrestation en 44, de Jeanne d’Arc à Philippe Pétain dont il croit qu’il a passé un accord secret avec De gaule. Son nom figure sur une liste publiée dans Life des Français pro-Allemands à assassiner.
Emprisonné, sans charge, un dossier vide mais son nom le condamne. Il est pourtant inculpé de commerce avec l’ennemi, non, intelligence et il répond : « Il me semble ne pas en avoir manqué ». Il est libéré mais ce n’est qu’en 1947 qu’il peut rejouer. Plus dure sera la chute et la pente à remonter. Guitry réussit, il tombe malade mais cela ne l’empêchera pas de tourner Si Versailles m’était conté ou La Poison. Un sens inné de l’écriture, de la formule qui frappe et fait mouche, un escrimeur dont les mots sont l’épée Guitry. Il disait que les Français ne l’aimaient pas. Erreur. Simsolo connaît son Guitry par cœur. Il suffit de lire ses deux albums. On y entend Guitry. Ce qu’il dit est resté d’une rare actualité et d’une pétillante fraîcheur. Il ne faut pas hésiter à lire et à relire Sacha Guitry.
Sacha Guitry, Tome 2, Le mal-aimé, Glénat, 14,95 €
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