Fabrice Erre a de l’humour, beaucoup, et enseigne dans un établissement scolaire héraultais. Autant dire que Fabrice Erre n’est pas un inconnu pour Ligne Claire. On savait dès septembre dernier qu’il concoctait le quotidien d’un prof, Une Année au lycée (Dargaud) pendant laquelle son héros (avec lequel Fabrice a surtout des ressemblances intellectuelles) se dévoue corps et âme pour ses élèves. Seulement voila. Être prof en 2014 relève du sacerdoce, de la profession de foi, de la psychothérapie de groupe, du combat au corps à corps. Y-a-t-il encore des profs heureux ? Fabrice Erre sera le 10 mai à Nîmes à la librairie La Bulle.
Fabrice Erre annonce la couleur dès la première page. Son bouquin c’est un guide de survie en milieu lycéen. De la rentrée au Bac en juillet il va falloir dompter la meute. Et elle chasse groupée la meute. Un lycéen sait hurler avec les loups. Dès les premiers jours le prof n’a pas droit à l’erreur où il finit en lambeaux, direction le psy de service qu’est tout bon proviseur qui se respecte. Alors on y va, style Eastwood avec ses copains Smith et Wesson. Portable, chewing-gum (banal), Facebook, comment voulez-vous qu’un prof d’histoire-géo puissent lutter contre Steve Jobs et Bill Gates réunis. But pour ce kamikaze, intéresser ses élèves. Fabrice attaque, ruse, feinte, se prend pour Ivanhoé, ou un poilu dans sa tranchée. C’est selon les jours.
Fabrice Erre décline tracas et réjouissances. On ne manque pas l’épisode où le prof avoue qu’il est né au XXe siècle, a tué Hitler et finit par craquer et avouer qu’il est né en 1973, qu’internet n’existait pas. On les comprend les gamins. Quarante ans c’est vachement vieux. Que Erre soit rassuré, ceux qui étaient en terminale en 1969 pensaient la même chose sauf que leur niveau était équivalent (prétentieux, va) à celui d’un troisième année de licence en 2014. Authentique et prouvé.
Notations, bulletins, examens blancs, désespoir, joies, l’objectif final c’est apocalypse bac, ce diplôme qui ne sert plus à rien depuis que l’éducation nationale a décidé de le refiler à tout le monde. La preuve, Fabrice Erre témoigne que, selon un brillant élève qui finira ministre sûrement, ce sont les extra-terrestres qui ont créé les nazis, des Martiens, les petits gris, qui ont ordonné ensuite de reconstituer l’Atlantide. Comment veux-t-on après ça que le seul objectif raisonnable pour un prof soit de rêver aux vacances ? Sacré Fabrice Erre, avec son dessin arrondi qu’on avait aussi aimé dans Z comme Don Diego, il a mis les doigts où cela fait mal.
Il aurait dû prendre un pseudo, on ne sait pas si les Martiens du rectorat ont le sens de l’humour.
Une Année au lycée, Tome 1, Guide de survie en milieu lycéen, Dargaud, 17,95 €
Articles similaires