Le Grand Soir c’est une formule lapidaire qui désigne la prise du pouvoir par le peuple et par la force. On efface tout et on fait un monde nouveau. Généralement un terme communiste et passé dans le langage commun. C’est désormais une BD, l’histoire de trois jeunes gens qui vont commencer à y croire sur les barricades de 1968. Al, Sammy et Serge vont vivre au fil des ans tous les évènements qui ont pu faire croire à une illusion que dictait haut et fort l’extrême gauche française jusqu’à la fin des années 80 même si aujourd’hui encore avec la NUPES on reste sur la même ligne directrice. Philippe Richelle dont on connait toutes les qualités de scénariste politique, historique est aux commandes de cet ouvrage qui couvre une époque bien connue professionnellement par l’auteur de ces lignes. Pierre Wachs, dessinateur tout autant de qualité donne à ce Grand Soir un cadre graphique qui lui convient à merveille.
La guerre du Vietnam, les manifs anti-US, Mai 68, les barricades et les pavés, la grève générale (NDLR : un mois passé à lire tout San Antonio), Al, Sammy fuient les CRS, aidés par un Pierrot qu’on retrouvera plus tard et se réfugie chez Serge. Il les avait prévenu que ça chauffait, que c’était une révolution en marche du côté de la rue Gay-Lussac. Sauf que le Grand Charles, après un petit tour à Baden voir Massu et si l’armée le suivrait, à renvoyé tout le monde à ses travaux d’aiguille. En prime les vacances arrivaient. Deux ans après Sammy rencontre Raymond chez sa mère à qui il raconte que son père les a abandonnés. Il est pâtissier et aime les Verts de Saint-Étienne. Al est en fac. Son père est avocat. Serge fait partie de la Gauche Prolétarienne à Paris qui commence à vouloir agir sur le terrain. Chez Renault à Boulogne les Maos préparent un coup avec Pierrot ce qui agace les communistes du PCF. Serge va à une soirée chez la très belle Virginie et partante pour faire exploser la société actuelle. Sammy a des problèmes avec sa mère qui boit beaucoup. Au Ministère de l’Intérieur on commence à s’inquiéter de cette gauche virulente et il faut cadrer les Maos. Ils identifient Pierrot (Pierre Overney qui va y laisser la vie) et Dédé Dupas ouvriers chez Renault. Mais il se dit que le gouvernement se sert d’eux pour faire passer sa loi anti-casseurs.
Un jeu de dupes qui aura ses victimes, sa violence. Qui se souvient encore du pillage de Fauchon à la Madeleine, de la CGT qui ne va pas non plus aimer les Maos, Tramoni qui tire sur Overney, magouilles politiciennes et policières, les trois copains sont le reflet d’une époque révolue. Passion, enquête, règlements de comptes, trahisons, attentats, Action Directe et la fin en 1981 avec la gauche au pouvoir. Cela parait à la fois proche et lointain. Mais finalement dans une certaine mesure on rejoint un peu les interrogations de la jeunesse actuelle.
Le Grand Soir, Une histoire de l’extrême gauche française, Glénat, 25 €
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