Sandrine Revel est fasciné par ceux qui ont « offert leur vie à leur art ». Le pianiste canadien Glenn Gould l’a fait. Sandrine Revel lui a consacré un album qui reprend la plupart des étapes musicales et personnelles d’un homme qui ne pourra pas aller au bout de son œuvre, mort trop jeune, mais qui a laissé des pièces incontournables comme les Golberg Variations. Sandrine Revel, avec beaucoup de tendresse et de finesse, trace un portrait subtil et éclatant de Glenn Gould, une vie à contre-temps (Dargaud) que l’on découvre, génie sans concession. Sandrine Revel sera en dédicace le samedi 18 avril à la librairie Azimuts à Montpellier. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Pourquoi Glenn Gould ?
C’était un personnage fantastique, atypique. Son travail passait avant tout. Il ne supportait plus de jouer en public. Il avait décidé qu’à trente ans il arrêterait mais il était reconnu comme un virtuose. C’était une souffrance pour lui le public.
Un choix difficile à la fin des années cinquante alors que Gould est adulé ?
Oui. Il avait programmé cet arrêt, mis de l’argent de côté. Il voulait expérimenter plein de choses, enregistrer, faire des disques alors qu’au Canada il est une idole pour le public.
Vous ne datez pas sa carrière dans votre album.
C’est volontaire. Le récit ne s’y prête pas. On est dans le souvenir, pas dans la chronologie. J’ai voulu casser la façon de raconter, le rythme chronologique. J’ai composé certaines de mes pages comme une pellicule photo.
Le personnage vous a fasciné. On sent que vous avez beaucoup de tendresse pour lui.
Il m’a interpellé tout en me forçant à répondre à des questions personnelles. Quand avec moi le dessin prend le dessus dans ma vie, qu’est-ce qui me reste à côté ? Je travaille chez moi, je suis aspiré par mon travail. Pour beaucoup d’entre nous, entre vie personnelle et d’artiste, il y a la recherche de la maîtrise et de l’excellence. C’est la même démarche dans la vie de Gould et je m’y retrouve.
Le plaisir, celui de l’étude, de la découverte, des limites à repousser, de l’interprétation plus que dans le plaisir de l’instant même. Il visualisait les notes, il comprenait la musique en l’écoutant, il se projetait, il imaginait ce qu’il allait entendre. Ce qui est embêtant en public. Il faisait du bruit, il parlait.
Il est un interprète mythique de Bach
Oui mais cela n’a pas plu à tout le monde. Gould a un besoin vital de la musique. Il veut créer un lien entre l’écriture et le piano.
Difficile d’écrire un livre sur un personnage à la fois aussi riche et complexe ?
La BD limite la pagination d’un album. Il faut expliquer vite. Depuis quatre ans j’ai lu bon nombre de biographies de Gould. Je me suis imprégné de sa vie et, ce qui remontait, je l’ai gardé. Un choix. Toujours sur le lien. Il a eu une enfance compliquée, surprotégée car sa mère avait eu du mal à l’avoir. Gould était un homme libre. Il est allé au bout de ses choix et a assumé. A New-York, pour un concert, il faisait la sieste deux minutes avant de monter sur scène et il est arrivé comme il était, dépenaillé.
Gould était très avance sur les avancées techniques de la restitution de la musique ?
Vous avez collé à ce qu’il a dit dans vos dialogues ?
Oui, j’ai restitué exactement ses propos. Je suis resté très fidèle à l’œuvre. J’ai réinterprété certains passages quand même. J’ai enlevé quelques planches. Gould a sacrifié sa vie privée. En France on le connaît bien mais il n’est jamais venu. Il avait un caractère très particulier. Il était là sans être là. On pouvait rester avec lui mais il fallait se tenir à distance. L’œuvre de Gould est très cohérente. Il n’a pas fait attention à lui et il meurt à 50 ans.
Vous jouez du piano, Sandrine Revel ?
Je suis une pianiste du dimanche. Je peux jouer les premières mesures, un peu de Chopin, de Mozart.
Et après Glenn Gould dans lequel, on le sent à chaque page vous vous êtes investi totalement.
Je vais prendre le temps. J’ai un album en tête mais j’ai fait machine arrière, trop plat. La maturation est nécessaire. J’ai besoin de me rassurer tout en ayant envie de créer.
Glenn Gould, une vie à contretemps, Dargaud, 21 €
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