Avec L’Ombre du Condor (Éditions du Long Bec), Gerardo Balsa ouvre un cycle sur les combats aériens pendant la Guerre d’Espagne en 1936. Ce n’est pas un hasard car l’auteur, qui signe aussi le dessin de U-47 chez Zéphyr, est un passionné d’Histoire contemporaine. La Guerre d’Espagne s’imposait également à lui pour des raisons familiales. Quant à l’aviation, c’est aussi un genre qu’il a toujours aimé. L’Ombre du Condor permet à Balsa, qui en signe scénario et dessin, de laisser aller son talent vers un genre dont il montre qu’il en connait bien les détours, les contraintes. Balsa était au dernier Festival BD de Lagrasse. Il a confié à Ligne Claire comment et pourquoi il s’était lancé dans cette aventure aérienne. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Gerardo Balsa, comment en êtes-vous arrivé à faire une BD sur la Guerre d’Espagne et surtout sur l’aviation de combat pendant cette période ?
Je suis un passionné de l’Histoire du XXe siècle. La Guerre d’Espagne fait aussi partie de mon histoire familiale. Je suis un mélange de toute l’Europe de l’Ouest, de l’Écosse à la Sicile (rires). Mais mon grand-père était le coordinateur Républicain du centre d’accueil à Santa Fe, en Argentine. Il a accueilli les exilés Républicains puis même, ensuite, les Franquistes en fait, en raison de la mauvaise situation économique de l’Espagne après la guerre. Mon arrière-grand père était, lui, espagnol, anarchiste et conducteur de train. Ma famille est liée à l’Espagne et j’ai les deux nationalités, espagnole et argentine. Mais c’est avant tout ma passion pour l’Histoire.
Vous auriez-pu choisir une autre période ? Vous faites déjà une série sur les sous-marins allemands, U-47 ?
J’avais envie de faire un récit sur la Guerre d’Espagne parce que ce n’est pas un sujet fermé. Il n’y a pas d’avis officiel ni d’accord entre les historiens.
C’est un thème qui est devenu plus fréquent dans la BD.
Oui, mais pas l’aviation pendant la guerre.
A part l’album Double 7 de Yann et Juillard.
On a entendu de parler de cet album au moment où je finissais le mien. C’est vraiment un hasard. Personne d’autre n’a traité le sujet en détail. J’ai commencé le sujet en 2008.
L’aviation par passion ou par choix éditorial ?
Par passion. J’ai toujours aimé dessiner des avions. On a toute liberté pour choisir l’angle le meilleur. Dans U-47, il y a beaucoup d’avions. La suite était logique.
La Guerre d’Espagne, les avions mais il y a aussi une histoire, des personnages. Un mécano Républicain va devenir navigant dans l’escadrille de Malraux des Brigades Internationales. En face de lui, il y a un pilote allemand de la Luftwaffe envoyé aider les Franquistes. Et bien sûr des femmes.
J’ai aussi voulu travailler sur la montée du nazisme, comment les aristocrates allemands ont laissé faire les nazis. Surtout les familles aristocrates de militaires qui voulaient une revanche contre la France grâce au réarmement allemand. Quant aux femmes elles ont un rôle important.
Dieter Von Moltke, le pilote, n’est pas vraiment nazi dans l’album ?
Oui, cette classe sociale méprisait les nazis mais vont s’en servir pour reconstruire l’armée. Et être pris au piège. Ils iront quand même jusqu’au bout en 1945. Les personnages vont évoluer, se recouper dans les albums.
Vous écrivez et vous dessinez. Comment travaillez-vous ?
J’ai d’abord une histoire en tête puis je fais des recherches pour la documentation. Je commence par ajouter des éléments à mon histoire. Il n’y a pas vraiment de méthode. Je fais un synopsis puis je rédige le scénario en même temps que le story-board. C’est plus simple pour dessiner ensuite. C’est par tranches. Je découpe par séquences. Il faut ensuite que ce soit cohérent. Je travaille depuis longtemps sur ordi, la Cintiq, mais les travaux préparatoires peuvent être parfois sur papier. Je n’ai pas de planches originales par contre.
Côté documentation, vous êtes redoutable, et d’une rare précision. Dans le dossier en fin d’albums, il y a les avions qui se sont battus. Souvent on ne les connait pas.
Ce sont des avions entre les deux guerres mondiales. Ils vont évoluer très vite. Ce sont des avions rares, difficiles à trouver. Photos d’époque, musées, mais beaucoup n’existent plus. Ce sont un peu les ancêtres de ceux qui vont se battre en 1939. C’est un très gros travail de recherche. Les photos ne sont pas de bonnes qualités. On voit ensuite ces avions mais plus dans la même version.
On suit dans le Condor une aventure historique et romanesque.
Comme je dis souvent, je me suis bien documenté pour bien inventer. Je précise que c’est une fiction même si tout est vrai. Les personnages sont une fiction basée sur la réalité.
On pourrait envisager une suite pour vos héros après la Guerre d’Espagne ?
Je ne peux rien dire d’avance mais c’est une possibilité.
Dans ce premier tome, c’est la mise en place. Le second l’an prochain ?
Oui. Il va y avoir trois albums. Une intégrale peut-être. Je me déplace beaucoup en ce moment pour la promotion de l’album et j’aime ça. Surtout pour cette série où je fais texte et dessin.
D’autres projets ?
Des idées et des projets. J’ai fait une BD documentaire sur l’aviation pour la Belgique qui sortira l’an prochain. Mais comme rien n’est encore signé pour les projets, je n’en dis pas plus. Toujours historiques et au XXe siècle.
Vous avez découvert des faits méconnus dans vos recherches sur la Guerre d’Espagne ?
Oui, la participation américaine. En faveur des Franquistes, en leur donnant toute l’essence qu’ils voulaient payée cash par la société Texaco. En direct sans accord avec le gouvernement et Roosevelt qui était pro-Républicain. Jamais Franco aurait pu gagner sans ça. Il y a eu des pilotes volontaires aussi. Mais j’ai dû faire des choix. J’ai intégré par contre le rôle de André Malraux, avec son escadrille. Il était un intellectuel et un politique. Les gouvernements anglais et français sont largement responsables de l’échec de la République par peur d’une guerre mondiale. Qu’ils n’éviteront pas en 1939. Même si des Français ont aidé les Républicains. Les Français étaient aussi les plus nombreux dans les Brigades Internationales avec les Républicains.
*Documents graphiques fournis par Gerardo Balsa que ligneclaire remercie
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