Un témoignage pour que la mémoire ne soit pas prise de court, un témoignage d’une force incroyable car dénué de toute passion, de tout esprit de revanche, celui d’un homme juste qui avait vingt ans quand il est libéré du camp de la mort de Dachau en 1945. Guy-Pierre Gautier est décoré de la Légion d’Honneur en 2015, un peu tard peut-être, pour ce vieux jeune homme qui adolescent s’est engagé dans la Résistance en 1941. A 16 ans il prend le chemin de l’honneur et du sacrifice comme beaucoup de ses camarades. Mais Vichy, la Milice et la Gestapo veillent. Il sera à jamais un survivant. Il très difficile de rendre compte de l’horreur nazie, celle des camps, de la déportation cette fois politique souvent reléguée au second plan par rapport, il faut le dire, à la Shoah et au génocide. Tiburce Oger a remarquablement traduit en images cette vie de Guy-Pierre Gautier, son grand-père, un exemple de modestie héroïque et authentique qui n’a accepté ce livre que parce que c’était son petit-fils qui le faisait.
Sur la place où on va lui remettre sa Légion d’Honneur Guy-Pierre se souvient. Il voit en rang sous la pluie vêtus de leurs haillons rayés ses camarades déportés que les SS battent à mort. Son enfance il l’a passé à La Rochelle, solitaire. Il se souvient aussi de l’arrivée des Allemands. Il a seize ans en 1940. Les premiers patriotes sont fusillés et il se met avec des copains à fabriquer des tracts. Ils sont souvent communistes ces jeunes résistants. Il part faire un tour dans les Chantiers de Jeunesse pour se faire oublier mais les réseaux tombent les uns après les autres. Et la liste des fusillés s’allonge. Guy-Pierre monte les échelons, devient de plus en plus actif. Sabotages divers et déraillements de train, lui et ses amis sont rapidement recherchés par la police allemande qui finit par l’arrêter. Torturé il va tenir le temps nécessaire pour que les autres membres du réseau se mettent à l’abri. Au moins trois jours sous les coups incessants. Il passera ensuite par plusieurs centres de détention et participera à la révolte armée de la centrale d’Eysses. Échec et direction en wagon plombé le camp de Dachau, le début d’un voyage au bout de l’enfer.
La vie concentrationnaire est désormais bien connue encore que les survivants aient mis longtemps à en parler comme le dit Guy-Pierre Gautier se sentant coupables d’en être revenue. Entre eux, oui. Avec famille ou amis, très longtemps après la guerre cela leur fut très difficile. Comment échanger si l’interlocuteur n’a pas vécu l’inimaginable ? Voilà où est la force du récit riche en détails du quotidien, de tout ces actes horribles, immondes ou de ces petites joies qui leur permettaient encore de croire en l’homme, d’espérer survivre. Mais comment ont-ils fait face aux kapos pire parfois que les SS, face à la faim, à la déchéance voulue par leurs tortionnaires ? La solidarité n’a pas été souvent un vain mot. On sait comment les résistants communistes avaient réussi à mettre en place une organisation pour aider leurs camarades à Dachau ou à Buchenwald et d’autres qui n’avaient pas les mêmes idées mais unis par la résistance. Les copains, un terme que l’on retrouve souvent quand ils parlent d’eux les survivants. Gautier a tenu le journal de sa déportation jusqu’au dernier jour, puis le retour en France, la gène des autres, l’oubli. Ne jamais céder, tenir jusqu’au bout, c’est la plus belles des leçons de Guy-Pierre Gautier. Tiburce Oger a mis tout son talent d’auteur et son cœur dans cet ouvrage d’une rare vérité pour le souvenir de tous les copains de son grand-père.
Ma guerre, de La Rochelle à Dachau, Rue de Sèvres, 18 €
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