Frédéric Bézian avait déjà travaillé avec Simsolo au scénario. C’était pour Ne Touchez à rien. Depuis, après un Aller-Retour autobiographique, Bézian voulait changer d’air. Avec Docteur Radar créé par Simsolo il revient à un récit narratif dont l’action est totalement nocturne, le ton proche du feuilleton. Mais à la Bézian. Explications et rencontre pendant le festival d’Angoulême. A noter que la venue de Bézian chez Azimuts à Montpellier est théoriquement prévue pour mars.
Un virage dans votre expression, ce Docteur Radar avec Simsolo ?
Premier point, ce n’est pas la première fois que nous travaillons ensemble avec Simsolo. Il avait écrit spécialement pour moi Ne Touchez à rien. Nous voulions retravailler ensemble. Et moi changer d’air après le voyage introspectif et autobiographique de Aller Retour dans lequel l’action est nulle au premier degré. Il fallait que je reparte sur un scénario avec justement de l’action.
Votre style dans Radar est évolutif, changeant.
C’est Joyce dans Ulysses qui change de style à chaque chapitre, ce qui ne nuit pas à l’intégrité de l’œuvre. Il y a longtemps que je m’amuse avec cela. La BD fait dans 80% des cas du cinéma sur papier. Il faut triturer le cadre pour chambouler le rythme.
Changer concerne aussi le dessin des personnages ?
Absolument. Spirou avec ses trois premiers dessinateurs, Lucky Luke au fils des albums de Morris ont changé, évolué, se sont transformés. La BD fonctionne avec des ellipses. Tout se joue sur ces bases.
Radar a le ton d’un feuilleton. Simsolo l’avait inventé et écrit pour une diffusion radio sur France Culture.
Oui. Un feuilleton un peu pastiche avec de grosses vannes qui mettent de la distance. Mes personnages ont des yeux dilatés, parfois fous. Et tout se passe la nuit. J’ai essayé de ne pas tomber dans le réalisme classique.
Les décors sont eux-aussi fantasmés ?
C’est l’imagerie collective de Paris dans Radar. Toujours l’ellipse, cette force de la BD. La narration se véhicule sur ce que l’on ne voit pas. Joyce avait inventé l’architecture de la ville de Dublin dans Ulysses.
Dans Radar, votre trait explose, s’envole avec les gestes des personnages. Les couleurs aussi jouent un rôle capital.
J’ai toujours aimé jouer dans la cour d’un genre précis. Il y a une part de surréalisme dans mon travail. J’utilise les artifices de la BD. Pour la couleur je ne fais pas du coloriage du style l’herbe est verte, le ciel est bleu. Je privilégie les atmosphères plus que les descriptions. Le clin d’œil à la pellicule teintée du début du cinéma est voulue. J’aime les ambiances monochromes. Le jeu de la vision n’est pas le même avec ou sans couleur.
Straub, l’adversaire du terrible docteur Radar est assez classique.
Straub est parodiquement sérieux. Il est complètement speedé un peu comme Peter Cushing qui joue Sherlock Holmes dans les films de Fisher. Il est comme drogué, volontairement excessif. C’est un héros de la guerre de 14, ancien pilote de chasse. Son équipier, Pascin a le speed en moins. Il a la distance du libertin. Le docteur Radar est un mélange de Fantômas, Mabuse et Olrik. La femme aux serpents a quelque chose d’Ava Gardner. Le background cinéphile est important. On a pris la même pagination que l’album La Marque Jaune. On a des détails en commun.
Radar est complètement jobard ?
Bien sûr. Quelle idée de se donner les moyens d’aller sur la Lune pour bombarder la Terre. L’album est aussi bourré d’anachronismes. On est dans les années 20, dans un imaginaire collectif. Je me suis amusé avec ce Paris rêvé.
Une suite est possible ?
La matière existe. A voir. On n’a pas réussi à retrouver les enregistrements de la version radio. A noter que Michel Lonsdale était Radar au début. Il y a dix heures de feuilleton. Une exposition de mon travail aura lieu bientôt à Paris à la galerie Glénat.
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