Rosinski ne dessinera plus Thorgal. Le dernier album, sous ses pinceaux, va sortir. C’est le 36e de la série, Aniel, avec Yann au scénario. Pour le dessin, Rosinski et Le Lombard, avec Gauthier Van Meerbeeck, ont choisi de passer le relais à Fred Vignaux. Il signait déjà Kriss de Valnor qui s’arrête. Désormais il n’aura plus que Thorgal et deux albums au moins de La Jeunesse. Le prochain Thorgal, le 37e, portera à priori le titre L’Ermite de Skellingar. Fred Vignaux, qui sera en dédicace le 30 novembre à Montpellier chez Azimuts, est revenu en détails pour ligneclaire sur cette transmission graphique dont il assume la grande responsabilité. Fred Vignaux parle aussi de son travail sur Kriss, ses envies et ses techniques. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Fred Vignaux, c’est compliqué de reprendre le dessin de Thorgal ?
C’est une immense joie mais on revient vite à la réalité, on sait que c’est une grande responsabilité. Il y a beaucoup de lecteurs de cette série. J’ai commencé par Kriss de Valnor mais il y avait déjà eu plusieurs dessinateurs. Thorgal, il n’y a que Rosinski qui l’a dessiné, d’où un challenge graphique.
Il y avait plus de liberté avec Kriss ?
Oui.
Vous avez eu un cahier des charges ?
Le même que pour Kriss, respecter la charte de Thorgal, une mise en page assez normée. En termes de cadrage, le dessin de Rosinski est assez libre. J’essaye, moi, aussi de varier, avec des plongées, des contre-plongées. Grzegorz est fort dans le domaine.
Oui. Je ne sais pas comment ça s’est passé. J’ai la version officielle. Il m’a adoubé avec sa famille dont son fils Piotr, et Le Lombard.
Vous partez sur une série poids-lourd, Thorgal, qui est le bébé un peu unique de Rosinski ?
C’est son grand œuvre. Il y a aussi le Chninkel. Il va continuer à faire les couvertures, peut-être des one-shot. J’extrapole en fait, je ne sais pas vraiment.
A part La Jeunesse de Thorgal, il n’aura plus d’autres mondes ? On ferme.
Cela avait été annoncé depuis des années. Tout se rejoint dans un point de rencontre, dans un Thorgal. Le dernier Kriss vient de sortir, le 8e.
Yann maîtrise les deux scénarios. Vous savez où il veut aller ?
Sur la suite, je n’en ai pas trop parlé avec lui. Pour le prochain Thorgal, le scénario est terminé et je commence les premières planches du story-board. Mais je ne peux pas en dire plus.
Yann m’a parlé d’Aniel, personnage extraordinaire, et m’a dit qu’il fallait revenir à l’ADN de Thorgal, le tout dans des histoires en un album. Remettre en selle les personnages.
Oui, c’est dans cette perspective, mais effectivement on repart sur les fondamentaux avec une petite part de fantastique ancrée dans la réalité. On ne revient pas sur ce qui avait été fait avant. Les anciens lecteurs vont retrouver leurs marques.
Je connaissais Thorgal parce que j’étais abonné à Tintin. Je lisais Thorgal en feuilleton. Ensuite non, et c’est à cette époque, quand Tintin s’est arrêté, où sont arrivés les premières histoires d’heroïc-fantasy. Je me suis embarqué là-dedans puis je suis revenu à Thorgal. J’étais un lecteur du journal de Tintin mais mon père lisait les classiques. Ensuite, étudiant, je lisais de la SF.
Qu’est ce qui a été compliqué dans la reprise de Thorgal ? Le dessin empreint de la personnalité écrasante de Rosinski ?
J’aime beaucoup son dessin fort et libre. Il puise ses origines dans la peinture, avec un encrage puissant. Il a une base beaux-arts, art déco, imprégnée de son passé politique aussi en Pologne. Quand on s’est rencontré pour Kriss, je lui ai demandé pourquoi moi. Il m’a dit parce que tu n’as pas de style. Je suis resté abasourdi. Et d’ajouter : « Oui, tu n’es pas calibré, comme moi, tu as ton style à toi. C’est que j’aime dans ton dessin ». Et j’ai compris qu’on ne sentait pas chez moi d’influences même s’il y a des codes de narration graphique.
Avec la possibilité de vous libérer ?
Et de m’adapter. Il regarde le dessin des planches. Il l’a fait pour Kriss.
Le challenge c’est quand même Thorgal ?
Oui, c’en est un. Sur Kriss au final, il y a eu plusieurs dessinateurs. Je ne me suis pas collé à leur style. Pour Thorgal, c’est différent. Je vais garder ma mise en scène. Pour les personnages au niveau des expressions des visages je vais me caler sur Grzegorz. Le Thorgal ne sera pas en couleur directe.
Oui mais en mettant les mains dans le cambouis, je réalise petit à petit que ce ne sera pas de la tarte. Sur la décision j’étais passif. Maintenant au travail et je ne vais faire que ça. Pour Neige, on va voir ensuite. Donc sur les deux ans à venir c’est exclusivement Thorgal. Sorti du premier dans un an et un titre provisoire, L’Ermite de Skellingar.
Côté boulot, vous êtes un traditionnel ou un informatisé ?
Je viens du traditionnel parce que j’ai un certain âge. Pinceau et crayon jusqu’au premier tome de Neige. Par contre les couleurs très vite je suis passé à la palette.
Donc depuis le tome 2 de Neige, c’est du numérique ? C’est plus souple, plus simple pour vous ?
Oui bien sûr, je dessine sur écran. C’est la même chose qu’en traditionnel mais ça autorise l’erreur. On peut expérimenter, être plus exigeant, corriger, se planter. En traditionnel, si on est pris par le temps, on ne fait pas cet effort. La BD, ce n’est pas de l’illustration. Tous les dessins ne sont pas exacts. L’avantage est la rapidité et modifier. Je pars du scénario et je fais des sortes de timbres-poste, des petits dessins de page et j’attaque le story-board avec un crayonné rapide au format final des pages. Avec bulles et textes. Je pousse le story-board et je le présente au scénariste et à l’éditeur.
Des retours entre vous ?
Oui, on discute. J’ai pu aussi faire des modifications de texte, ma propre mise en scène. Un peu d’huile dans les engrenages, voir ce qu’il peut se passer hors champ. Il ne faut pas tout montrer. La BD ce n’est pas du cinéma où on ne peut pas revenir en arrière. En BD, on peut s’autoriser à s’attarder sur une case tout en restant fluide. Avec Yann, j’ai en le chemin de fer du prochain Thorgal, un synopsis détaillé. Il m’a proposé des options différentes pour des scènes et on a fait des choix. Il a tout raccordé ensuite.
Au fait, vous n’avez pas de planches originales ?
Non. C’est horrible (rires). Mais j’ai pu faire deux Kriss en un an. C’est un équilibre. Plus vite et pas d’original à vendre. Gregor m’a dit : « Fred il faut que tu penses à ta retraite ». Le prochain Thorgal sera en tradi avec des planches. Je vais retrouver le plaisir de la matière. J’ai appris la BD en allant voir des expositions de planche originales. On voit l’exigence du dessinateur. C’est un métier d’artisan et d’excellence.
Quels sont les styles de BD que vous aimeriez faire ?
De la BD d’aventure, le médiéval fantastique. Je n’aime pas trop dessiner la réalité. Je la vois tous les jours. Il faut que je m’évade comme dans Neige, que je créé des univers. La météo dot être adéquate avec ce qui se passe. J’aime la rendre palpable.
Le jeu vidéo, vous êtes concerné ?
C’est l’ennemi du dessinateur car chronophage. J’ai mis de côté mais je peux regarder des gens en train de jouer pour voir les décors. La créativité est aujourd’hui dans le jeu vidéo. C’est intéressant pour que ceux qui aiment le jeu viennent à la BD en sachant ce qui se fait. Pour bien travailler en BD, il faut éliminer les tentations et je travaille en atelier aussi pour ça avec plusieurs auteurs.
Depuis mon enfance je dessine. Comme j’étais bon en maths, j’ai fait des études scientifiques et j’ai bifurqué mais elles m’ont donné une rigueur pour la suite. J’ai passé des concours dans l’administration, muté dans Nord. J’ai pris des cours du soir. Muté à Paris, j’ai continué. Je suis passé en temps partiel et j’ai commencé à développer mes projets. Actuellement hormis Thorgal, je fais les couvertures des albums Mythologie chez Glénat. Compliqué de faire des couvertures qui aient de l’impact. Pour Thorgal, c’est important que ce soit Grzegorz qui les fassent. Il a des envies de peinture. J’ai vu son atelier pas rangé et il y avait empilé toutes les couvertures de Thorgal. Un bonheur.
Vous êtes quelqu’un qui sait où il va, carré, cadré.
Ma formation sûrement scientifique mais je ne suis pas le seul en BD.
Pour finir, ce n’est pas simple la vie pour les auteurs de BD ?
C’est simple de signer un contrat en BD mais difficile d’en vivre. Avec la surproduction les enveloppes diminuent. Pour des générations précédentes c’était plus facile. Les jeunes acceptent des tarifs faibles et les statuts sont précaires. Les réformes récentes ont été unilatérales et pénalisent la profession.
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