François Ravard a signé, coup sur coup, deux œuvres subtiles et séduisantes. Son recueil de dessins, Pas un jour sans soleil (Glénat) est éclatant de poésie et d’humour, parfois décalé, toujours juste, tendre. Avec Rabaté au scénario, il a dessiné Didier, la 5e roue du tracteur (Futuropolis). On y découvre un homme au grand cœur dans un conte campagnard digne du Bonheur est dans le pré. François Ravard a un éventail graphique large, du très réaliste Mystères de la République à bientôt un Burma d’après Tardi. Il habite à Dinard, d’où la possibilité de le retrouver à Saint-Malo pour Quai des Bulles. Une occasion que n’a pas manqué ligneclaire et le plaisir de rencontrer un auteur brillant et très humain. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
François Ravard, vous êtes un auteur varié, capable de gérer, d’humaniser tous les sujets ? C’est normal ?
Je ne sais pas. C’est vrai que cela me va comme définition. J’aime bien raconter les choses simplement. Je m’y attache peut-être aussi parce que je n’ai pas le dessin pour faire des scènes explosives, ce qui m’amuse moins. J’aime raconter à hauteur d’homme donc ça joue, ça humanise le sujet.
Votre spectre est très large de Pas un jour sans soleil à Didier, la 5e roue du tracteur, les Mystères de la République ?
Pour les Mystères, dans l’écriture de Philippe Richelle, le scénariste, il donnait beaucoup de caractères et d’épaisseur à ses personnages. J’aimais m’en amuser. Moi je fonçais dans ce piège et tant mieux. Ça reste des gens simples qu’on croise tous les jours. C’est ce que j’aime faire. On se ballade caméra à l’épaule comme si on était avec eux.
Mais toujours avec pudeur. Vous embarquez le lecteur. Vous êtes bluffant, avec un humour qui peut être décapant. On vous compare à Sempé pour Pas un jour sans soleil mais cela semble trop simple.
Je l’entends tous les jours. Je préfère entendre ça quand même. Il y a un avant et un après dans mon image. C’est sûrement ça ce que vous appelez humour décapant.
Comment faites-vous pour créer vos dessins ?
J’ai toujours vécu près de la mer. En Normandie d’abord. Ce n’est pas le même public, ni les mêmes promenades. J’y suis toujours revenu à la mer et j’ai amassé des scènes, des souvenirs qui ressortent. Quand je cherche un gag, parfois je capte une image et je vais construire un gag autour. Une fois que j’ai l’idée, je me demande comment je vais le représenter en une image et sans légende. Avec ces deux éléments. Parfois c’est compliqué. Il faut jouer sur un terrain un peu dangereux.
Parce que vous pouvez ne pas être satisfait ?
Oui. Je refais la scène. Il y a des dessins qui viennent immédiatement mais, dans le recueil Pas un jour sans soleil, il y a une dizaine de dessins que j’ai recommencé quatre ou cinq fois. Il raconte la même chose mais ils ne sont pas aussi juste que je l’attends de moi pour que le spectateur soit satisfait. C’est parfois, comme vous le disiez, plus poétique qu’humoristique.
C’est toujours la vie que vous montrez.
Tout à fait. C’est vrai que je l’ai compris tardivement dans mon travail. C’est ce qui fait le lien entre tout ce que je fais. Mes souvenirs d’enfance sont dans Mort aux vaches, dans Didier. Ils reviennent, des petits détails que découvre ensuite le lecteur. Le tue-mouche accroché à la lampe par exemple.
Pas du tout. Avec le scénario de Rabaté, j’essayais toujours de rajouter des éléments drôles pour le faire rire lui. Pour provoquer une sorte de ping-pong entre nous. Il me laissait beaucoup de liberté dans la mise en scène. Il m’avait livré quelque chose de très brut. Il voulait redécouvrir son histoire à travers mon regard. J’ai brodé, joué, accentué le comique.
Vous vous connaissiez bien ?
Non. Depuis trois ans. Je lui ai un peu couru après pendant longtemps. Et là on est chez le même éditeur chez Futuropolis. J’en ai parlé à notre directeur éditorial qui avait travaillé avec lui chez Glénat pour Le Linge sale. On s’est retrouvé en dédicace tous les deux à côté. L’éditeur lui avait dit que son travail était important pour moi. On a sympathisé. Ses thèmes, la famille, les petites gens, la campagne, c’est tout ce que j’ai l’impression de raconter à travers mes dessins et mes histoires.
Didier, c’est drôle, charmant, attachant.
Oui et dans les dessins de mon recueil, j’ai l’impression d’aller de plus en plus vers ça. Mon trait s’arrondit. Les couleurs, je les laisse prendre le dessus. C’est la première fois que je faisais mes couleurs directes pour Didier mais sur ordi. Le dessin est traditionnel. Par contre, dans le recueil, c’est de l’aquarelle.
Et justement Didier, vous avez prévu une suite ?
Il y en aura une. Pas du livre mais on va retravailler ensemble avec Rabaté. On fera quelque chose dans la même veine. Il aimerait bien m’amener en ville. On voudrait y démarrer le récit et finir dans de grandes étendues style grandes plaines américaines. Opposer verticalité à l’horizontalité dans le récit.
Avec des personnages comme dans Didier ?
Oui, une comédie. Mais je travaille en ce moment sur un polar, un Burma avec Moynot. C’est signé. J’ai commencé. C’est pareil. C’est un point qui s’intègre entre ce que je fais. Nestor est humain. Il est réel. Et j’ai toujours été fan du traitement de Tardi pour Burma. J’ai commencé à m’intéresser au polar à travers ses Burma. Donc c’était impossible de refuser. On est dans un dessin entre Didier et Les Mystères. Tardi a l’air content.
Et ensuite ?
Un deuxième recueil de dessins chez Glénat. Après, j’ai tout refusé parce que c’est trop loin et que je veux me laisser une porte de sortie si on me propose quelque chose qui me tente vraiment.
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