Robilar, matou charmeur et politique, ambitieux et séducteur, est chambellan du roi. A priori tout roule à la cour mais la basse-cour a des états d’âme. La volaille et consorts se rebellent. La viande sur pied aimerait avoir droit à la retraite au lieu de finir dans les assiettes des humains. Et qui va devoir s’y coller comme diplomate de la dernière chance, sire Robilar bien sûr. On l’adore le félin, et dans ce Fort Animo qui déchire au sens propre du terme, David Chauvel s’est laissé aller avec talent à une fantaisie dramatique pas piquée des vers sur un dessin à la fois jovial et émouvant, dur parfois de Sylvain Guinebaud. Une fable, une fois de plus à méditer avec ses airs de ne pas y toucher.
Un messager horrifié déboule à la cour. Les animaux se rebellent. Porc, oies, poules, vache, on en passe, en ont marre qu’on les mange. A la ferme du père Riflon, les bestiaux ont fait leur ligne Maginot, leur fort Chabrol ou Animo. Au choix. Ras le bol d’être engraissé et écorché, égorgé, saigné. Ils ont des otages avec les Riflon, leur tortionnaires ferleirs et ils sont prêts à en faire du boudin. A moins qu’on négocie. Le chef des cuisines comprend mieux la pénurie de viande et a dû passer aux légumes par garnis. Des revendications ils en ont les animaux. On oubliait qu’ils parlent et donc qu’ils vont pouvoir échanger avec les humains. Le roi décide : à Robilar d’aller tâter le terrain accompagné par le cuisinier qui est volontaire, le drôle.
On se doute bien que le Robilar il va tomber non pas sur un os mais plusieurs. Et pas à moelle. Le cuisinier va découvrir tout vivant ceux que généralement il reçoit en pièces détachées, tranchés, plumés. Ça va lui faire un choc. A la ferme il y a des tendances diverses, un leader qui est un gros porc, des poules en mal d’oeufs perdus et un agneau qui a été le sacrifié de trop. Si on y ajoute les loups qui se servaient joyeusement et sont en manque de chair fraiche, toutes les conditions sont requises pour un cataclysme nutritionnel sans précédent. Bon on n’en dit pas plus sur cette confrontation qui va vite prendre une tournure où on ne rigole plus. Un vrai bijou en dialogues, humour à froid, dessins très vivants (enfin un certain temps), ciselés, du Disney noir et du Calvo qui rit jaune. Guillebaud a un superbe coup de crayon. Un album qui fait plaisir et avec des vérités bien assénées.
Robilar ou le Maistre chat, Tome 3, Fort Animo, Delcourt, 15, 50 €
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