Un joyeux délire, une vision décalée et souriante bien que parfois (souvent) acide du monde de la BD passé, présent et à venir, Emmanuel Reuzé s’en donne à cœur joie dans l’Art du 9e Art. Il flingue dans tous les sens et si on lit entre les bulles et les lignes tout le monde en prend pour son grade, auteurs plus ou moins stars, éditeurs, gourous, critiques et héros évidemment. Reuzé détaille et va au fond des cases avec humour. Place au cousin de Scott McCloud pour ce voyage souriant, grinçant et abominablement drôle.
Au début il y a eu les aventures de Groumph, dans les cavernes remises au goût du jour par Jul, puis la tapisserie de Bagieu ou Pénélope chez les Normands. Il continue le Scott avec Daredevil en braille, Pervers Pépère en darknet. Viens ensuite une étude épurée mais ligne claire du style en BD. Comment apprendre à faire des bulles modernes ? Plus c’est moche, nul et des histoires de mecs normaux, mieux cela marchera. Suffit de regarder les rayons d’un libraire ou certains palmarès. Il touche aussi à l’autobiographie de fille, trentenaire si possible et au bord de la crise de nerf si elle ne trouve pas la bonne couleur de chaussures. On passe à l’anatomie du héros. Tintin quel beau nu ! Fallait oser. Comme le kit découpage de la coccinelle du regretté Marcel. Et entre deux litres de rouge, il continue le Scott, aborde Obélix en tranches et se dirige tout droit vers une mise en situation de la BD et l’argent. Bravo les éditeurs, on comprend mieux la surproduction avec Reuzé. Un cours magistral d’économie papier. Moins on aime la BD plus on gagne de fric. En gros.
Remakes, adaptations, BD et complots, arnaques, tous les sujets et les plus chauds sont abordés mis en images, illustrés avec force et bonne humeur, dérision obligatoire. Des pastiches à bien regarder de près, subtils, une bible du 9e Art, il nous signe Emmanuel Reuzé. On sent qu’il connait son sujet sur le bout de son crayon. Si vous voulez vous lancer dans la BD, c’est le bouquin qu’il vous faut. Résultats pas garantis. A lire le synopsis de La Cité des Francs et les premières planches de la série et la lettre aux jeunes auteurs. On s’y croirait presque. Surtout quand on lit le dossier sur les critiques de BD qui recopient les communiqués de presse. Du vécu tout ça, on vous dit. Sacré Reuzé, il ose tout. Tant mieux.
L’Art du 9e Art, Fluide Glacial, 18,90 €