5 est le numéro parfait, de Igort (tiré du roman graphique éponyme, sorti en 2002 chez Casterman et publié dans plus de 20 pays et traduit dans 15 langues différentes) est devenu un film. C’est Igort lui-même qui en a assuré la réalisation. Un polar noir à souhait, napolitain bien sûr années 70, sur fond de familles maffieuses à l’ancienne, des ambiances parfaitement retranscrites de la BD. Toni Servillo est un Peppino parfait. Très efficace et du bon cinéma d’action. A noter, à titre de souvenir, que j’ai eu la chance de participer au jury d’Angoulême 2011 avec Igort sous la présidence de Baru.
On se souvient de la BD. Peppino Lo Cicero, ex-tueur à gages de la Camorra, est fier de son fils qui gravit les échelons du crime organisé. Il lui offre, en père et tueur attentionné, un révolver. Mais quand celui-ci est froidement tué dans un guet-apens, Peppino se remet en chasse avec son vieil ami Toto « le boucher ». Et les cadavres vont piquer une tête en cascade. Des pros les vieux, efficaces, sans états d’âme avec la puissance de feu d’un porte-avions. Trahison, coups fourrés, il y a de la rumba dans l’air à Napoli dans les années 70.
Igort a donc signé cette adaptation. Mais pour lui, l’auteur de BD, quel est la différence avec le cinéma en particulier pour le découpage ? : « Ce sont deux langages aussi différents que, par exemple, le théâtre et le cinéma : la page offre une composition globale, le cinéma ne permet pas la simultanéité des images – hormis ces petits clins d’œil en split screen que je m’autorise parfois. Un livre, on peut en arrêter la lecture, impossible au cinéma. À chaque outil, de nouvelles possibilités. Travailler sur l’adaptation, c’était réinventer la narration. Il y a des personnages qui n’apparaissent pas dans la BD, comme le bossu par exemple. »
Et d’ajouter : « Tout le début, ainsi que la fin du film sont différents du scénario de la BD. Parfois, il était nécessaire de couper les dialogues ou les scènes qui fonctionnaient sur papier mais une fois « incarnés » par un acteur, ils donnaient à la scène un aspect « hors registre ». Peu plausible. Je crois que c’était cela, la difficulté. Par contre, le grand acteur qu’est Toni Servillo s’est inspiré des mouvements du personnage que j’avais conçu. Sinon, pour l’aspect plastique, je voulais la patte du cinéma des années 60 et 70, avec des couleurs très foncées – et donc pas du tout la bande dessinée en bichromie. Je voulais aussi que la musique évoque le cinéma de ces années-là, la longue tradition italienne de Piero Umiliani, Ennio Morricone, Armando Trovajoli. »
Un casting sans faille, des plans qui ont de la BD dans la tête comme ces escaliers où l’ombre des tueurs se découpent sur les marches, une scène de duel digne d’un western Leonien sur la terrasse d’un immeuble, Igort a bien modelé son adaptation sans trahir son album. Un vrai plaisir avec des personnages hors normes et des rebondissements géniaux.
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