Il fallait s’y attendre. En annonçant qu’ils se reprogrammaient largement en juin 2021, le Festival d’Angoulême et le Salon du Livre viennent marcher mine de rien mais en connaissance de cause, sur les plates-bandes d’autres festivals, et non des moindres, dont celui de Lyon ou d’Amiens qui se sont imposés comme des rendez-vous incontournables à cette époque de l’année. Car quelles dates seront choisies en mai ou juin ? Juillet est trop tardif. Comment les auteurs vont-ils gérer leurs participations sur un mois, quelles seront les consignes et les choix des éditeurs ? Voici les premières réactions inquiètes des organisateurs des festivals concernés qui se sentent laissés pour compte. D’autres devraient suivre. On a l’impression d’un très large manque de concertation au plus haut niveau mais qui n’a rien de vraiment étonnant tout en étant dommageable pour l’image même des festivals ou salons en question. J-L. TRUC
Voici le communiqué dans son intégralité publié par Lyon BD en association avec les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens : Si le ministère de la Culture a choisi de faire de 2020 l’année de la bande dessinée c’est pour souligner l’incroyable foisonnement créatif dont font preuve le neuvième art, ses auteurs et autrices, et plus largement l’ensemble de ses acteurs depuis maintenant plusieurs décennies. Ils défendent la bande dessinée, la diversité de ses formes, de ses représentations, autant que la vivacité et le foisonnement de sa création. Ensemble ils promeuvent les expressions riches et variées de ce qui est bien plus qu’une culture populaire : La bande dessinée est à tout à la fois une littérature, un medium, une discipline artistique, un art de la scène et visuel.
Parmi ces acteurs plusieurs festivals sont aujourd’hui particulièrement menacés par l’inscription de cette crise dans la durée et par ses conséquences sur le calendrier annuel des manifestations autour du neuvième art. Lors du premier confinement les festivals impactés ont déployé dans des conditions difficiles et avec une incroyable réactivité des trésors de créativité, d’innovation, et de résilience. Ils ont inventé des évènements et projets digitaux, échelonné dans le temps leurs programmations, publié des récits inédits en numérique et en papier, ils se sont purement et simplement réinventés. Ils ont ainsi assuré le lien primordial entre les artistes et leurs publics. Plus largement nos festivals ont permis de maintenir la place et le rayonnement du neuvième art et de ses créateurs au sein d’un paysage culturel profondément bouleversé par la pandémie.
Un calendrier bouleversé sans ménagement
Nos festivals ont pu, malgré les annulations et avec le soutien de la puissance publique, maintenir les rémunérations d’artistes liées aux évènements annulés. Ils ont également su les développer dans le cadre des initiatives et projets nouvellement lancés et ainsi soutenir les artistes dans cette période difficile. L’inscription dans la durée de cette crise pandémique vient désormais impacter des rendez-vous importants du secteur de la bande dessinée prévus pour le premier trimestre 2021. Parmi eux Livre Paris et le festival d’Angoulême font le choix d’un report au printemps de leurs évènements. Cette reprogrammation vient bouleverser le calendrier annuel des manifestations autour de la bande dessinée. Elle aura pour conséquence immédiate de fragiliser les festivals de bande dessinée se tenant habituellement à cette période et avec eux le soutien qu’ils apportent depuis longtemps aux artistes du neuvième art. *
Le cumul de plusieurs rendez-vous dans une « poche » de dates allant de la fin mai à la fin juin va enfin drastiquement limiter l’exposition médiatique dont la bande dessinée et ses artistes bénéficiaient à l’occasion de rendez-vous répartis au long de l’année. Alors qu’ils participaient à la plupart des grands rendez-vous de l’année, les professionnels du secteur indiquent qu’ils devront désormais faire des choix. Enfin c’est la diversité culturelle qui est menacée. Nos festivals ont démontré depuis de nombreuses années la pertinence d’une diversité des représentations de la bande dessinée qu’ils incarnent à travers des directions artistiques, des angles et des formats différents. En défendant la place de cet art au sein des institutions culturelles de nos villes et territoires, en le faisant rayonner à l’international, en développant des actions à large échelle auprès des publics scolaires et la place des artistes dans la ville, nos festivals ont installé une image moderne, vivante, et résolument tournée vers l’avenir de la bande dessinée et de sa création.
Face à ces menaces nous appelons les pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour que nos festivals et structures puissent continuer leur travail au bénéfice des artistes, des acteurs du secteur, au contact et au profit des territoires sur lesquels ils s’expriment, et au service de la diversité des représentations des arts de la bande dessinée.
Mathieu Diez, directeur de Lyon BD.
Pascal Mériaux, directeur des Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens.
* Les Rendez-Vous de la Bande Dessinée d’Amiens et Lyon BD Festival touchent chaque mois de juin et cumulé un public de 130.000 visiteurs. Les évènements et projets portés par les deux structures génèrent chaque année un total de plus de 200.000 € de rémunération à des auteurs et autrices de bande dessinée.
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