Prix

Festival d’Angoulême : Rumiko Takahashi lauréate du Grand Prix 2019

Dire que c’est une énorme surprise serait peut-être exagéré. Avec Rumiko Takahashi, les votants (on lira le précédent article sur les modalités de l’élection) ont surtout marqué une rupture avec l’environnement franco-belge ou celui des grands noms venus d’outre d’Atlantique. Pas de Guibert ou de Chris Ware, pour la deuxième fois, c’est un mangaka qui est lauréat du Grand Prix. Pourquoi est-ce pas si banal que ça ? Parce que le manga, sans être un spécialiste du genre, continue sa percée folle dans les meilleurs ventes en France auprès d’un public qui n’est plus autant capté qu’avant par le franco-belge, voire le délaisse. On ajoute quand même que c’est une auteure, histoire de se souvenir d’une polémique récente. C’est la deuxième femme, après Florence Cestac a avoir été lauréate. Hormis bien sûr son grand talent, Rumiko Takahashi rassemble donc des qualités supplémentaires, si ce n’est des avantages, qui ont pu peser dans la balance des votants. Ce qui n’est pas réducteur mais correspond à une réalité évidente, celle du marché et des humeurs. Quand on vend 200 millions de mangas, ce n’est pas rien. On retape sur le clou en faveur des scénaristes oubliés, au cas où, l’année prochaine. Et à suivre pour le palmarès des albums. J-L. T

Rumiko Takahashi. Autoportrait. FIBD ®

Deuxième à remporter ce titre après Katsuhiro Otomo (2015), Rumiko Takahashi est élue Grand Prix du 46e Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, au terme d’un vote qui a réuni 1672 auteurs de bande dessinée. Quarante ans d’une carrière fulgurante, plus de 200 millions d’exemplaires vendus dans le monde, entrée au Eisner Hall of Fame en 2018, Rumiko Takahashi est aujourd’hui récompensée en tant qu’autrice majeure de la bande dessinée mondiale.

Voici la biographie publiée par le FIBD

Née le 10 octobre 1957 à Nīgata, Rumiko Takahashi s’intéresse très tôt à la bande dessinée et, dès le collège, propose ses premières œuvres à des revues. Vers la fin de sa première année à l’université, elle s’inscrit à l’atelier de gekiga (mangas réalistes destinés aux adultes) fondé par le grand scénariste Kazuo Koike. L’année suivante, en 1978, Rumiko Takahashi entame la publication de Urusei Yatsura (Lamu) dans les pages de l’hebdomadaire Sunday. Elle s’approprie le genre du shōnen et refuse d’entrer dans les codes des histoires romantiques du shōjō, fait inhabituel pour une femme à l’époque. Elle est la première à dépasser les conventions du manga, et utilise ce medium pour transmettre avec finesse et humour ses questionnements autour d’une société japonaise en pleine mutation. Avec les séries Maison Ikkoku (Juliette je t’aime) et Ranma ½, elle va rapidement devenir la reine du shōnen manga – les adaptations animées de ses séries contribuant à asseoir sa popularité bien au-delà des frontières de l’archipel nippon.

À travers son dessin, Rumiko Takahashi assouplit et modernise le trait d’Osamu Tezuka. Vif et expressif, ce trait sert les satires qu’elle dessine, et donne une forme unique aux personnages qui peuplent ses œuvres. Dans une société où l’on accepte mal la différence (« le clou qui dépasse appelle le marteau », dit un dicton bien connu au Japon), Rumiko Takahashi s’est toujours attachée à mettre en avant les outsiders et les excentriques, en faisant valoir leur droit à une seconde chance. Pétris de défauts mais aussi profondément humains, ses héros ont ainsi marqué plus d’une génération de lecteurs, au sein d’une œuvre qui, souvent sous le couvert de la comédie, se révèle extrêmement progressiste.

Le Grand Prix récompense une autrice à part dans la pop culture japonaise et internationale, à l’œuvre éclectique riche de 7 séries et de près de 200 tomes, en avance sur les enjeux de son temps, qui ne cesse de se renouveler, tant dans le dessin que dans les sujets qu’elle aborde avec audace.

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