Un album qui tombe à pic alors qu’on a vu il y a peu que les USA pouvaient toujours entretenir en leur sein de vieux démons sur fond de racisme, ségrégation, complotisme, mépris de la constitution. La prise du Congrès à Washington était blanche au sens propre du terme. Ce qui ramène au dernier opus écrit par Wilfrid Lupano sur la première école à Canterbury, Connecticut, qui accueillait des élèves de couleur en 1832, donc plus de trente ans avant l’abolition de l’esclavage aux États-Unis. Prudence Crandall, institutrice blanche, sera une pionnière, affrontera mépris, violence, loi locale, et l’aventure courageuse, unique, finira mal. Qui se souvient encore qu’en 1962 tout juste hier, Kennedy devra faire escorter par le FBI James Meredith, étudiant noir, à sa rentrée à l’Université du Mississippi. L’image reste gravée dans l’esprit de tous ceux qui ont vu le reportage ou la photo. Finalement, et le Capitole en est l’exemple, Prudence Crandall a eu tous les courages en son temps. Stéphane Fert (qui a signé le superbe Peau de Mille bêtes) est au dessin de cet album qui traite aussi en arrière-plan un fait méconnu, la révolte sanglante de Nat Turner esclave meurtrier avec sa bande qui pèsera lourd dans le refus ségrégationniste de Canterbury.
Nat Turner et son périple de mort, d’assassinats est dans toutes les mémoires. Un jeune garçon qui vit seul dans la forêt raconte ses mémoires. A Canterbury la vie est calme, souriante. Sarah se pose des questions sut ce qu’elle aimerait apprendre, avoir de l’instruction. Mais elle est noire. Prudence est institutrice et enseigne à toutes les filles de la ville, blanches bien sûr. Sarah approche Prudence alors que Judson politicien local se prépare à aller siéger. Sarah a convaincu Prudence qui l’accepte dans sa classe. Tollé général parmi les élèves et les parents qui croient à un coup de force des abolitionnistes. Éduquer quelques Noirs peut-être mais pas à Canterbury. Prudence se radicalise pour mieux marquer les esprits, elle n’aura plus que des élèves noires.
Lupano reprend par le détail l’histoire de cette école qui va faire le plein mais sera une cible privilégiée entourée par la haine et le mépris. L’école doit disparaître mais Prudence aura semé, permis que des jeunes filles noires ait accès à l’instruction comme le montre et le détaille le dossier en postface. Blanc autour est très actuel et pas qu’aux USA. En Europe aussi. C’est à la fois un témoignage social, historique, politique, une leçon qui met aussi en présence le désespoir d’une partie de la population noire à travers l’acceptation de la révolte de Nat Turner. Et une bouffée d’espoir car des élèves de Prudence ont continué sa tâche. Le dessin de Stéphane Fert est serein tout en s’animant dans les scènes violentes qui accentue le propos sans jamais le réduire bien au contraire.
Blanc autour, Dargaud, 19,99 €
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