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Interview : Félix Delep, dessinateur du Château des Animaux, à suivre de très près

Suite des interviews consacrés aux auteurs du tome 1 du Château des Animaux, incontournable sortie phare de la rentrée. Après le scénariste Xavier Dorison, Félix Delep jeune, brillant et peu connu dessinateur se livre, se raconte, remercie un certain Lewis Trondheim. Le tout avec humour, modestie. A suivre Félix, sans attendre. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

D’où sortez-vous, Félix Delep ? Vous êtes un jeune auteur peu connu et vous signez avec Le Château des animaux un album implacable de qualité. La BD, c’était une envie de toujours, un gène naturel, un don ?

C’est un désir de jeunesse car j’étais un lecteur assidu mais c’est Lewis Trondheim qui m’a fait plonger dans la BD. Il était intervenant dans mon école. Je pensais à la BD mais cela me semblait très compliqué. Il m’a proposé de faire une histoire courte pour Spirou, animalière, et quand un éditeur de Casterman a vu cette histoire, il a envoyé des dessins à Xavier Dorison pour Le Château des Animaux.

Quel lecteur de BD étiez-vous ?

Chez mes parents, il y avait beaucoup de franco-belge, les classiques dans leur bibliothèque. Tintin, Blueberry et des Trondheim, Reiser. C’était très varié. Maintenant je lis encore des vieilles BD ou celles de mes copains, des mangas. Bastien Vivès est l’un de mes préférés. Blain aussi.

Ce sont des genres éloignés de ce que vous faites aujourd’hui. Quel est votre inspiration pour Le Château ? Don Bluth, c’est évident.

Le Secret de Nimh. United Artists ©

Dans le dossier graphique de Xavier il y avait bien Le Secret de Nimh que j’aime beaucoup. Dans la même filiation il y a les vieux Disney, Robin des Bois. Avec des expressions très humaines des personnages.

Vous avez une belle maitrise des cadrages, des expressions des visages. Quand vous vous êtes plongé dans ce projet vous avez eu des craintes ou vous êtes parti confiant ?

J’étais très confiant au départ mais comme le retard de l’album le laisse penser cela a été plus compliqué.

Pourquoi ?

Toute la machine semblait en marche mais je n’avais pas les personnages en main. J’aurais dû faire plus de recherches. J’ai fait un test au départ dont le deuxième page de l’album où on voit tous les personnages. J’ai dessiné un peu vite et je me suis basé sur cette page pour la suite. D’où des modifications.

Cet album est cependant très maîtrisé même si Xavier est là. Cela dit, c’est vous qui dessinez. Vous avez une façon de travailler totalement informatisée ?

Oui. C’est plus rapide. S’il y a une erreur, je corrige. J’ai fait des planches en tradi mais j’ai arrêté.

Vous avec un dessin très élaboré, très « pinaillé » ce qui est un compliment, il vaut mieux ne pas se planter toutes les cinq minutes sur papier sinon on y passe sa vie.

Oui, et c’est quand même deux ans et demi de travail pour ce premier album.

Comme il y a quatre albums, vous en avez pour dix ans.

Oui (rires). Il me fallait un plan de carrière à long terme. C’est fait.

Vous aviez croisé Dorison dans votre école. Vous avez trouvé votre rythme avec lui ?

Oui, mais on ne se connaissait pas. Cela a débloqué pas mal de choses dont la publication en gazette pour prépublier l’album qui m’a facilité le travail. J’en suis au stade plaisir. Si on est en retard, c’est un peu plus compliqué à cause de la pression. Maintenant, on peut aussi aller plus loin dans les expressions.

Les ambiances, le discours de la non-violence, cela vous a motivé aussi, inspiré, libéré le crayon ?

Oui, c’était très important. J’étais convaincu par l’histoire et le message.

 C’est une BD qui porte des idées. On s’investit davantage dans ce cas ?

Justement. Ce qui m’embêtait c’est que bien que convaincu par le scénario et faisant tout ce que je pouvais, j’étais navré de prendre du retard car le message me semblait être très actuel donc à délivrer vite.

Comment avez-vous travaillé vos personnages, Miss. B, Bella, César ?

Ils étaient très écrits. César, Dorison voulait une sorte de gigolo inspiré par Clark Gable. Selon qui dessine, le résultat aurait pu être différent.

Un scénario même génial a besoin qu’un dessinateur se l’approprie. Ce qui est le cas, votre trait a des coups de génie. Cela a été un défi ?

J’ai mis toute la vie possible dans mon dessin. Franquin était le meilleur pour ça. J’ai emprunté à Disney, aux dessinateurs de ses studios. J’ai gardé en tête Blacksad car on était assez proche en termes de dessin. Mais j’ai évité de regarder les albums.

On n’est pas vraiment dans le même style. C’est votre dessin, un environnement animalier avec un humain. Guarnido, c’est de l’humain animalier.

Oui mais sur les couleurs on peut discuter.

Vos couleurs sont en effet éclatantes.

Merci. Mais je pense que dans les Gazettes j’ai un peu forcé même si l’impression a noirci le tout. J’ai vérifié les profils colorimétriques. Il faut éviter de mettre trop de noir. Dans le premier numéro de la Gazette, c’était trop. Le second c’était mieux. Dans le troisième aussi. Mais à vérifier.

Vos noir et blanc sont aussi très forts.

J’ai fait des efforts pour les améliorer.

Vous allez faire de l’animation ?

Peut-être. Mais c’est superbe d’avoir un scénario bien écrit. Cela aide beaucoup. Même les chiens méchants, les gardes du corps du Taureau, on finit par les apprécier car il se posent des questions. On comprend qu’il va se passer des choses. Le scénario n’est pas manichéen.

On ne verra pas vos planches sur papier ? C’est frustrant.

Il y en a très peu. Mais je ne copierai pas celles informatisées. Jamais je ne referai une planche, c’est trop fastidieux.

Bon, et après, qu’aimeriez-vous faire ? On va vous faire des propositions si ce n’est déjà le cas ? Vous avez essayé de sortir de l’animalier ? Ça donne quoi ?

Pour l’instant, je suis pris au moins pour trois ans et je n’ai aucune idée de ce que seront mes envies ensuite. On est en plein tome 2 avec une première Gazette prévue pour Angoulême. Ce qui est sûr, c’est que je ne referai pas de l’animalier dans la foulée. Je passerai à l’humain. J’ai fait une BD documentaire à l’école sur une association mais difficile à savoir. A suivre.

 Il n’y a pas de thème particulier que vous aimeriez traiter ?

J’aimerai le contemporain car ça à l’air compliqué mais intéressant. Je suis fasciné par la composition des images qui intègrent de l’architecture urbaine.

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