Exclusif : Fane signe avec Streamliner « un western mécanique »

Fane en a rêvé et il l’a fait. Avec Streamliner il publie en deux albums bien copieux (le premier sort le 19 avril chez Rue de Sèvres produit par Comix Buro) une épopée mécanique mouvementée et sentimentale dans un désert qui ressemble beaucoup à celui des westerns. Une bande d’allumés de la vitesse, fille et garçons, se donnent rendez-vous à Lisa Dora Station où la carcasse d’un bombardier B17 sert d’enseigne. Le vieux O’Neil et sa fille ne s’attendaient pas à cette équipée sauvage qui va transformer leur retraite et le coin en circuit pour bolides où tous les coups son permis. Fane s’est donné à fond aussi bien bien pour le texte que pour le dessin dans cette flamboyante aventure hors normes bourrée de personnages hauts en couleur. Pour l’occasion Fane s’est confié à ligneclaire.info. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. A noter que Fane sera à la Comédie du Livre à Montpellier en mai prochain sur le stand de la libraire Azimuts.

Fane
Fane. JLT ®

Comment, Fane, en êtes-vous arrivé à ce projet, Streamliner, deux albums de plus de 130 pages chacun ?

C’était en gestation dans plusieurs coins de ma tête avec aussi des envies diverses. La première était d’ordre esthétique, une ambiance rock’n’roll que ce soit avec l’auto ou la moto en toile de fond. Comme je bricole depuis longtemps mes motos je me suis intéressé à cet environnement, la customisation, les tatouages, la musique qui va avec, les pin-up. Je trouve cela génial, le côté mauvais garçons ou mauvaises filles, les vrombissements des gros V8. Du coup j’ai fouillé sur le net pour voir ce que je pouvais trouver sur cette culture née dans les années cinquante sur le Lac Salé à Bonneville où il y avait des types qui voulaient aller le plus vite possible en ligne droite. Cette histoire je l’avais déjà en tête quand je faisais le Joe Bar Team. Je m’interdisais de prendre des notes. Pendant un an je voyais des images. J’ai beaucoup bossé en amont. Je story-boardais et j’écrivais comme un malade.

StreamlinerOn se doute que les USA sont plus ou moins le modèle mais pas que cela s’y passe obligatoirement ?

Oui. Ce ne sont pas vraiment les États-Unis. C’est une sorte d’Amérique jumelle, une uchronie. Plutôt que d’exporter par exemple la guerre dont je parle dans le récit, j’ai imaginé un continent unique avec un conflit comme les Américains ont eu entre le Nord et le Sud. La route 666 (allusion à la route 66) relie les deux ennemis d’hier. J’ai tout mélangé, brassé. Les méchants ressemblent aux Allemands mais je n’avais pas envie de coller à la réalité historique sauf à celle du terrain avec tout ces loubards de choc qui se retrouvent pour une course d’exception. Les marques de voitures ou de motos existent bien sûr. La Black Widow de O’Neil est inspirée d’une vieille streamliner des années quarante.

Le héros c’est donc le vieux O’Neil, patron de la station service, et ex-as de la vitesse ?

Lui, c’est la vieille légende dans sa station service au nom de Lisa Dora qui fait que tout le monde se retrouve là. En fait la véritable héroïne c’est sa fille Cristal qui prend le relais de son père parce que elle ne va pas avoir le choix face aux autres participants forts en gueule.

Vous avez un bel échantillonnage de personnages. Comment avez-vous réalisé le casting ?

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De belles vues aériennes du Lisa Dora. JLT ®

Il s’est fait un peu au fur et à mesure pour les personnages secondaires mais plus les concurrents arrivaient plus ils s’imposaient tout seuls. J’ai même ressorti un de mes vieux personnage dans le rôle de Nicky. C’est Tony Head une brute sans cerveau crée dans les années 90. Il était parfait en second de Billy Joe le leader de cette aventure. Après il y a dans la bande des motardes quelques-unes de mes filles favorites, un peu teignes. En fait j’ai construit un western avec règlements de comptes, duels, grands espaces et j’ai enfermé tout le monde dans un lieu précis où les policiers ne peuvent pas aller, un endroit sans loi. Il y a même Billy the kid un tueur un peu jeté, William Boney. Plus ça allait, plus ça grossissait. Il y a aussi les journalistes qui débarquent car la course devient un rendez-vous médiatique. Des agents gouvernementaux sont infiltrés. J’ai fait comme pour Petites Éclipses avec Jim mais seul cette fois, de façon instinctive. Je dessinais et j’écrivais en même temps sur une trame globale. Je savais où je voulais aller mais ça a ramifié à mort. La forme en chapitres m’a aidé car je pouvais rajouter des séquences.

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Un bonus. JLT ®

Il ne fallait pas se paumer quand même dans le scénario ?

Je gardais le cap en ayant une idée précise de ce que je voulais faire tout en m’attardant parfois. Par exemple j’ai consacré un chapitre à l’avion, ce gros B 17 en plein désert qui est l’emblème de la station service point de ralliement de la course dans le désert. Le B 17 pendant la guerre s’appelait Lisa Dora. Je me suis dit que ce serait sympa de savoir ce que cet avion fait là et les liens avec le vieux O’Neil qui était mécanicien sur ce B 17. J’ai pioché dans ma propre expérience cinématographique sans trop me documenter. Je ne voulais pas que la réalité me bloque. J’ai inventé un monde jumeau, un chemin parallèle tout en restant cohérent. On s’en fout, c’est le contexte qui était important. J’ai pensé aux lecteurs. J’ai dû défaire quelques nœuds et les gars de Comix Buro m’ont bien aidé. Les planches tombaient tout le temps. C’est un feuilleton. On ne voit pas tout venir. Il y a une densité dramatique avec des moments de détente dans les dialogues.

Streamliner sera en deux tomes avec des paginations importantes ?

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Encrage traditionnel. JLT ®

160 pages pour le premier tome qui paraît le 19 avril. Le second en septembre sera un peu plus court mais avec un gros épilogue, plein de bonus et on recréé un magazine qui raconte ce qui s’est passé à Lisa Dora Station dans le désert en août 1963. Ils sortent chez Rue de Sèvres et ce sont deux albums produits par Comix Buro.

Question classique, vous travaillez de quelle façon ?

Tout a été fait en traditionnel, story-board, planches, encrage. Il n’y a que le nettoyage des pages et la post-production. J’ai un peu appris l’ordinateur sur cet album là. Je bosse à l’ancienne. Je suis un indécrottable mais j’avoue que des fois avec des plans panoramiques et 150 personnages, s’il y avait eu un logiciel… Cela dit, je suis assez fier de mon travail.

C’est vrai qu’il y a toujours beaucoup de vie dans vos dessins. Vos ambiances aussi explosent, on entend rugir les moteurs que par le trait. On est scotché par votre dessin.

Dédicace de Fane
Billy Joe, un des héros de Streamliner ®

Certains vont peut-être dire que je sers des clichés mais c’est un western. Tu remplaces les motos par des chevaux, il y a une histoire d’amour, des hors-la-loi. Un peu comme un manga. C’est un grand Woodstock jusqu’à ce qu’on sente que tout par en vrille et pendant la course cela va être très musclé. J’ai fait l’album sans savoir si ça serait édité. Mon rêve c’était un gros pavé en noir et blanc. Après, quand Comix Buro a commencé à chercher un éditeur, j’encrais. Ensuite ça n’a pas marché avec un premier éditeur. J’ai fini l’album et cela s’est fait avec Rue de Sèvres. Je leur ai passé plus de trois cents pages. Un OVNI. Je ne voulais pas que l’on découpe mon histoire. Je voyais une sorte de comics noir et blanc. Au final c’est en couleur. J’aurais peut-être une intégrale en noir et blanc si cela marche. On a coupé en deux finalement. Le premier album va jusqu’à la course. Le second est pendant la course. Le rythme n’aurait pas fonctionné en six tomes. Mais il fallait bien trouver un compromis côté marketing d’où les deux tomes. En plus personne n’a jamais fait un western mécanique avec un retour au vintage qui est très à la mode. Toute cette imagerie a tellement de charme et de charisme par rapport à ce que l’on vit. Je vends du rêve avec cette BD. Je me suis régalé avec les bonus, des fausses pubs, des clins d’œil, des scènes coupées. J’avais un peu Tarantino en tête avec les chapitres qui en plus permettent de faire une fausse Une à chaque fois. J’ai eu toute liberté. Cela ferait un beau film. Et après Streamliner, il y a bien une petite histoire avec laquelle je m’endors. Je suis mono tâche donc cela se fera après, j’en suis sûr.

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