C’est l’évènement français cinématographique de ce début d’année. En avril 2023 sort la première époque des Trois Mousquetaires qui renoue avec les grands films de cape et d’épée du cinéma hexagonal. Le film d’après Dumas a été réalisé par Martin Bourboulon en deux épisodes. D’Artagnan le premier, sort en avril et Milady, le second, en décembre. Casterman publie deux titres en accord avec la production, un manga et une BD d’humour de gags en deux tomes chacun. Un doublé au panache flamboyant qui va appuyer le parcours épique du jeune gascon et sortent le 15 mars. Pour l’occasion on a rencontré Fabrice Erre qui signe le dessin de D’Artagnan dans la place, la BD d’humour avec Gilles Rochier au scénario et Cédric Tchao qui lui dessine le manga avec Néjib au scénario. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Fabrice Erre, comment s’est montée cette opération éditoriale avec Casterman en lien direct avec le film Les Trois Mousquetaires qui a au générique Vincent Cassel, François Civil, Fabien Duris, Pio Marmaï pour les mousquetaires et Eva Green en milady ?
Je suis arrivé en dernier dans la boucle. C’est la production du film et Casterman qui ont mis le projet au point. La production souhaitait qu’il y ait une prolongation dessinée. Casterman a imaginé les formats. Il y a deux bouquins très différents qui sortent aussi bien dans le style que dans l’intention. Le manga suit le scénario tandis qu’avec Rochier, D’Artagnan dans la place, on n’a pas eu de contrainte par rapport au déroulé du film.
On retrouve un peu l’ambiance de Z comme Don Diego dans vos Mousquetaires.
Oui un peu, décalé, ironique. Il fallait faire un album drôle. Ils ont sollicité Gilles Rochier qui travaille avec Casterman depuis longtemps. Il n’avait jamais fait de l’humour encore au sens strict. Casterman voulait aller dans l’univers banlieusard de Rochier pour retrouver ce que Dumas décrit très bien, une sorte de jeune loup qui ne pense qu’à la gloire, l’argent. Il fallait que Rochier face un parallèle entre l’esprit de Dumas et aujourd’hui. Plus des clins d’œil comme le Je suis ton père.
Vous avez eu la volonté d’actualiser D’Artagnan. C’est une parodie ?
Oui, je pense que le film dont je n’ai vu que le teaser renoue avec la grande épopée, le vrai spectacle.
Cela a été simple ? Vous aviez carte blanche ?
On a été totalement libre. Il fallait au départ se mettre d’accord sur l’esthétique, les costumes des mousquetaires qui ne sont pas ceux dont on a l’habitude. On a joué avec ça. Nos pages ont été présentées à la production mais sans retour négatif. Le ton est différent avec Rochier par rapport à Don Diego.
Il écrit, vous dessinez ?
C’est ça. C’est un principe que je suis avec tous les auteurs avec qui je travaille. Je ne change rien au texte. Rochier a un flot très fort. Il m’a laissé organiser la mise en page. Gilles m’envoie des scénarios dessinés comme fait Fabcaro. Je le réadapte à ma sauce et y ajoute des trucs. On a commencé à l’automne 2021.
Dans le choix des personnages, il y a Dumas qui apparait ce qui n’est pas le cas du film avec en prime un côté mégère de Madame Dumas.
C’est un choix de Gilles. Dumas projette un peu de sa vie dans notre BD, son roman, l’éditeur, les contraintes.
On rit beaucoup.
C’est le but j’espère. Quand je reçois le scénario je place les personnages sommairement, je montre à Gilles et à l’éditeur, je finalise ensuite. Un travail très classique. Gilles a proposé mon nom en fait à Casterman. On n’avait jamais travaillé ensemble mais on faisait un fanzine tous les deux.
Le personnage de Milady est à la ramasse. Elle est fêlée. Il y a une part de folie en elle.
Oui, les personnages ne sont pas enfermés dans leur caricature. Ce que j’ai trouvé d’intéressant c’est qu’ils donnent l’impression de jouer un rôle. Richelieu va étendre le linge de Milady et elle est certes diabolique et il ne faut pas la chercher.
Un petit côté féministe très actuel ?
Milady c’est une icône. Dans le roman il y aussi Constance Bonacieux, la gentille.
Milady a déjà été une héroïne de BD. Vous avez lu la version manga des Mousquetaires ?
Quelques pages seulement. Il y aura deux épisodes de chaque BD comme pour le film qui est en deux parties.
A part ça, d’autres projets ?
Pas mal de choses. Un tome sur l’Histoire de France à la Revue Dessinée sur le XIXe siècle. Je fais le dessin. Un album pour Fluide Glacial. Mais c’est vrai que ces Mousquetaires ont été un grand plaisir créatif sans oublier qu’on est allé sur le tournage. C’était magique.
Tous pour un manga
Cédric Tchao a lui dessiné le manga Les Trois Mousquetaires, épisode 1, D’Artagnan avec Néjib au scénario. Il donne ses impressions après cette expérience exceptionnelle.
Il fallait adopter le découpage d’un manga, ses codes, retrouver le côté visuel. J’avais lu le roman de Dumas plusieurs fois mais je ne l’ai vraiment fini qu’il y a trois ans. C’est en fait l’évolution de D’Artagnan, jeune puceau. On a collé au livre et au film.
Vous avez eu toute liberté pour cette adaptation ?
On a eu une totale liberté pour ce western royal tout en ne voulant pas que nos personnages ressemblent aux acteurs du film, en voulant par contre toujours retrouver le style japonais du manga pour toucher son public. On a rencontré le producteur et le réalisateur. On a décrypté les tendances du film où il y a par exemple un peu des Pirates des Caraïbes.
Le manga était un bon format ?
Une pagination forte de manga permet de développer les personnages, avoir un bon rythme de narration, inclure des retournements de situation. A noter que ce n’est pas la première fois que les Mousquetaires sont adaptés en manga. On a revisité un classique avec beaucoup de plaisir et en s’amusant. On est dans un feuilleton qui est l’équivalent à l’époque de nos séries TV. Le succès du manga est dû à la sensation que le lecteur a de passer du temps avec des amis et ressent des émotions simples, vit des choses que tout le monde a pu vivre.
Milady c’est aussi le pivot du roman et du manga.
Milady a une lourde charge émotionnelle, un personnage dans l’air du temps, blessée par les hommes. Mais elle n’est pas seule. Athos lui est une victime de la vie. Par contre Constance, qui est en fait l’épouse de Bonacieux, semble être sa fille. Elle est juvénile comme la reine. C’est voulu.
Quelle est votre technique de travail ?
Je travaille de façon traditionnelle. Papier, encre sauf les trames qui sont numériques. Je suis sur le tome 2, Milady qui sortira en décembre.
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