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Interview : Fabrice Erre en direct pour un point d’étape déconfiné et décontracté

On le suit depuis sa tendre enfance, enfin presque, que ce soit avec son copain Fabcaro ou tout seul. Fabrice Erre a le chic pour inventer des personnages désopilants, décalés qui font sourire mais savent aussi appuyer là où la bêtise règne en maître. Comme il a du talent et un coup de crayon inégalé voire inégalable (Mâtin quel auteur !), il ne s’arrête jamais. Une sortie de déconfinement chargée en nouveautés avec un Walter Appelduck, le Coluche Président ! associé à son frère, un nouveau numéro de son fanzine à l’effigie de la mascotte de ligneclaire.info, le Guide Suprême, des projets forts si l’on peut dire avec Les Complotistes, un autre avec 6 Pieds sous Terre, Fabrice Erre est sur tous les fronts de l’humour. Cela méritait bien un point d’étape décontracté. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Fabrice Erre. JLT ®

Fabrice Erre, tout va bien pour vous ?

Oui. Il n’y a pas vraiment eu beaucoup de changement dans ma vie avec le confinement. Ou le déconfinement. J’ai une actualité chargée en parutions.

C’est vrai. Vous faites dans le Sublime, le guide bien sûr, on en reparlera, mais votre actualité a commencé avec un tome 2 de Walter Appleduck. Walter, après la grande ville, est rentré chez lui et au Far West. On l’a oublié. Vous allez en rester là ?

Pour l’instant oui. On a fait le match aller et le match retour. Fabcaro cherche une piste pour continuer et voir dans quelle direction.

Donc rien en chantier avec Walter ?

Non. Rien, pas de prépublication dans Spirou. Ça pourrait être une fin de parcours. J’ai beaucoup aimé faire Walter comme j’avais aimé faire Mars. L’éditeur nous a dit qu’on pouvait envisager un tome 3 si on avait une idée qui nous motivait. A voir.

On reste dans Spirou avec l’édito. Comment vous le gérez ? Il est fonction de la thématique éditoriale de la semaine ?

Oui quand il y en a une. Mais la thématique n’implique par la totalité du contenu. Nous, on ouvre le journal avec une nouvelle série, un personnage. On sait le sujet environ cinq semaines avant. C’est déjà arrivé d’avoir très peu de temps dans des cas particuliers comme le décès de Tome. Mais c’est rare. Avec Fabcaro, on fonctionne comme pour un album, une histoire. Il m’envoie le texte, je lui retourne le dessin, il me dit que c’est génial et tout va bien (rires). Toute la rédaction le reçoit ainsi que le rédacteur en chef. Ils peuvent avoir certaines envies comme que nous fassions apparaître, l’été dernier, plus souvent Spirou et Fantasio.

Un extrait des Fabrices qui sortent de la page édito pour partir en festival, encore en construction, à paraître dans Spirou (« Star system » est le titre de cette histoire, mais pas nécessairement de la « série » pas encore complètement actée). F. Erre ®

Et vous continuez l’édito ?

Bien sûr,mais on aimerait faire sortir nos personnages de l’édito. On leur a proposé une histoire où les Fabrice partaient dans un festival BD pour raconter comment cela se passait. C’est tombé au même moment où eux aussi voulaient nous proposer de faire des pages un peu comme des envoyés spéciaux de la rédaction. Il devrait y avoir un premier quatre pages en juillet dans Spirou. Donc c’est une des raisons qui a fait qu’on n’a pas vraiment enchainé avec Walter.

Quel titre pour cette nouvelle série inspirée par l’édito ?

Bonne question. On cherche et ce n’est pas réglé. On restera dans l’absurde, le loufoque. Et c’est qui nous correspond le mieux à Fabcaro et à moi.

Un clin d’œil de Fabrice Erre à Ligne Claire avec ses personnages qui font l’actualité. F. Erre ®

Passons à Coluche Président ! un autre album qui sort chez Fluide Glacial et que vous avez signé avec votre frère. Quel drôle d’idée Coluche. Mais il y a de quoi justement en donner à nos gouvernants actuels.

Je ne sais pas si on peut transposer. L’idée était de montrer Coluche au départ, « on est là pour se marrer », et puis il est rattrapé par la responsabilité de la charge, « on m’a filé le pouvoir il faut que j’en fasse quelque chose ». Pas simple mais c’était avec mon frère l’idée qu’on a eue.

C’est un sujet assez localisé dans le temps et l’époque.

Plus ou moins. J’ai constaté comme prof d’Histoire que quand je demandais à mes élèves de travailler sur un personnage engagé, il choisissait Jean Moulin, Gandhi ou Coluche avec la présidentielle et les Restos du Cœur.

La candidature de Coluche en 1981 était engagée et a failli lui coûter cher. Il l’a retirée un peu contraint et forcé. Il y a une scène de banquet assez symbolique dans l’album des ténors politiques de l’époque et de leur descendance spirituelle.

Absolument. Des ténors de l’époque sont moins présents dans le souvenir des Français comme Marchais ou Krasucki. Le Pen, Chirac, Giscard ou Macro et Sarko enfants qu’on a glissé, non. Eux ce ne sont pas des comiques, quoique. Le lien qu’il y a aujourd’hui avec l’épopée Coluche, c’est que des comiques mais dangereux sont arrivés au pourvoir, en Ukraine, en Italie. Il y a la contestation Gilets Jaunes qui se porte sur toute figure d’autorité. Donc une sorte de répliques de secousses qui renvoient à cette époque. (NDLR : l’interview a eu lieu avant la diatribe de l’ineffable Bigard sur sa candidature à la présidentielle en 2022).

Comment vous avez travaillé avec votre frère, les Erre Brothers ?

C’est la première fois qu’on travaille ensemble. Lui est écrivain, travaille pour la TV, pour Groland. On fait du comique tous les deux et ce n’était pas évident. J’ai eu l’idée Coluche Président sans vraiment savoir qu’en faire. Je lui ai proposé de l’écrire car en plus il y avait une filiation avec Groland, pays dirigé par un gros abruti. C’est sa première BD. On a d’autres idées, on s’est fait la main avec des petits trucs dans les hors-séries de Fluide. On va voir comment le Coluche est accueilli mais la sortie a été reportée au 3 juin. On a ensuite une idée de maison de retraite pour anciens acteurs ou gens du milieu du spectacle. Ce seront des gags sur le vivre ensemble, avec leur ego. Donc c’est embryonnaire. Il écrit des nouvelles dans Fluide et prépare quelque chose avec une dessinatrice.

Un extrait du blog « Une Année au lycée ». F. Erre ®

Bien, passons à Une Année au lycée, le blog avec Le Monde ?

Oui, je continue avec Frédéric Potet qui gère ce blog pour Le Monde, une belle vitrine. J’y ai ma petite communauté depuis quelques années.

Parution en juin du livret sur Gandhi chez Dupuis

Le Fil de l’Histoire chez Dupuis, vous en êtes où ?

On travaille sur un gros projet avec pour cadre la seconde guerre mondiale avec Savoia. Il y aura plusieurs tomes avec des points de vue différents. La guerre vue par les Français, les Anglais, les Allemands pour ne pas tout mettre en un seul volume. Tous n’ont pas vécu la même guerre. Les Anglais ont résisté seul pendant plus d’un an. Pour la France on essayera d’éviter des écueils comme trop de gaullisme ou de repentance, on parlera des faits. Il y aura aussi un autre volume sur la peste. Sympathique non ?

A travers les siècles ?

Oui avec les grandes pandémies qu’il y a eu. J’ai appris qu’il y avait encore des foyers aujourd’hui. Un dernier bouquin que je sors en septembre chez Dupuis aura pour titre et sujet Les Complotistes. Il est fini.

Les débuts des Complotistes. F. Erre ®

De l’humour avec Les Complotistes en gags ?

De quatre pages qui traitent d’un thème à chaque fois sur le complotisme. On en parle beaucoup, cela dure depuis la Révolution. C’est un prof complotiste qui apprend à un élève à le devenir. On met en scène leur façon de raisonner, comment ils sélectionnent les informations pour qu’elles rentrent dans ce qu’ils veulent croire. Celles qu’on voit le moins sont les plus dangereuses. C’est avec Jorge Bernstein. Moi je fais les strips et lui des doubles pages écrites comme un manuel de complotisme qui s’intercalent avec les pages BD.

On enchaîne avec le fanzine du Guide Sublime. Quel drôle d’idée d’en faire le héros.

C’est un personnage dont je n’arrive pas à me défaire. Et j’ai voulu passer à une autre forme de publication après l’album. C’est un personnage que j’ai besoin de dessiner. Il est le premier à me faire ça. Graphiquement et côté humour, ce que je mets dedans est plus spontané. Cela me permet de traiter des sujets dont j’ai envie de parler. Je me suis aussi dit que j’étais un des rares à ne jamais être passé par le fanzine et l’autoproduction. C’est devenu mon espace de liberté.

Il est imprimé sur papier, distribué par abonnement ?

Oui tout à fait. Il parait tous les deux mois et j’en suis au numéro 4. Ce n’est pas vraiment par abonnement, je le vends au numéro 3 euros, format A5. C’est une histoire complète, un chapitre comme j’ai fait dans l’album. Il y a des jeux, et les thématiques sont diverses, la religion, le fantasme de l’homme parfait style aryen ou rions avec le négationnisme. Facebook me permet d’en faire la promotion. Je le vendais dans les festivals depuis octobre dernier mais aujourd’hui ce n’est plus le cas évidemment. Je voulais le faire seul. Et par plaisir, comme une balade, un tour de vélo. Avec le Guide, c’est pareil. J’ai prévu d’en faire sept ou huit. Il y a même l’enfance du Guide pour mieux comprendre ce qu’il est devenu.

Autres projets ?

Ce n’est déjà pas mal. Ah si, je me suis engagé pour un bouquin chez 6 Pieds sous Terre l’an prochain. Ce sera en résidence à l’Université Paul Valéry à Montpellier. J’y avais fait des ateliers BD cette année et, dans la foulée, ils m’ont proposé cette résidence pour m’accompagner dans la création d’un bouquin. Mais je suis en réflexion pour l’instant sur le sujet. Avec des rencontres et des expos à la Fac sur le métier. Je me suis engagé sur des festivals en septembre mais sans garantie. Il devrait y avoir une expo Walter Appleduck au festival d’Angers en décembre si tout va bien.

La distanciation en festival risque d’être un problème ?

Oui, sauf si vraiment le virus disparait. Et on aura une expérience sur le sujet pour les rencontres. La dédicace, c’est autre chose. On verra. Mais je n’avais rien de prévu cet été. Début octobre par contre 6 Pieds sous Terre a programmé une manifestation importante à Nîmes à l’Archipel. A suivre.

Un extrait d’une page pour Fluide glacial avec un ton assez absurde (ici un bus parisien qui parcourt la campagne; il n’y a pas la chute mais la page n’a pas encore été publiée…) a précisé F. Erre ®
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