L’Incroyable histoire de la Médecine en BD, c’est un grand patron qui la signe. Le Professeur Jean-Noël Fabiani, chirurgien cardio-vasculaire à l’hôpital Georges Pompidou à Paris, professeur de l’histoire de la Médecine à Paris Descartes, a réussi le tour de force de couvrir en un album (Les Arènes), de la Préhistoire à nos jours, cet art devenu selon lui une science, la Médecine, celle qui nous accompagne toute notre vie. Grandes et petites découvertes, noms célèbres, Hippocrate, Ambroise Paré, Pasteur, Koch, Galien, Marie Curie, Laënnec, Bichat, on ne peut qu’en passer et des plus connus car la Médecine est avant tout une histoire de femmes et d’hommes de génie. Un long fil historique que déroule Jean-Noël Fabiani, anecdotes, hasards, travaux, recherches. Il y a ajouté sur le dessin de Philippe Bercovici, spécialiste du genre (Les Femmes en blanc), humour et sérieux. Finalement les héros de cette histoire incroyable, ce sont un peu les patients, nous, un jour ou l’autre. Un album plaisir, très bien fait, passionnant, à administrer à fortes doses. Jean-Noël Fabiani a répondu aux questions de ligneclaire.info. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Bercovici présente l’ouvrage les 9, 10 et 11 novembre 2018 à la Fête du Livre à Brive. Il sera également avec le Professeur Fabiani en rencontre dédicace à Paris le 22 novembre 2018 aux Arènes, 27 rue Jacob, à partir de 19h.
C’est après une discussion avec mon éditeur aux Arènes. Il m’a dit : « Vous allez écrire une histoire de la médecine, c’est bien, mais si vous avez un millier de lecteurs ce sera formidable. Dont deux cents de vos amis, et ce n’est pas sûr qu’ils la liront tous. Comme il y a aux Arènes une belle collection BD, et si vous faisiez une BD ? » Je lui ai dit que je ne savais pas faire ça. Il m’a dit de réfléchir. Ce que j’ai fait. J’étais moi-même un lecteur assidu de BD, plus jeune, Tintin et Milou bien sûr.
Vous n’avez pas continué ?
Si, mais de façon épisodique. Thorgal par exemple. Donc j’ai réfléchi et j’ai décidé d’essayer. Mon éditeur m’a mis en contact avec un dessinateur formidable, Bercovici. De suite le courant est passé. J’ai fait ça comme un professeur de faculté fait un cours aux étudiants, sur PowerPoint. Ce qui a fait rigoler Bercovici. Il me rendait la planche rapidement et il n’y a pas eu pratiquement de retour.
L’Histoire de la Médecine, c’est celle de l’humanité. Comment fait-on pour condenser, tout en voulant rester complet, une histoire aussi vaste ?
C’est toute la difficulté. On est obligé de respecter des impératifs liés au genre. On doit être extrêmement caricatural, écrire en une phrase ce que l’on veut dire, essayer de raconter des histoires et être léger, drôle. J’ai un peu tiré la langue pendant deux ans.
Oui, complètement. J’ai eu carte blanche. J’ai fait les choix, aidé par mon enseignement à la Faculté sur l’histoire de la Médecine que je continue d’ailleurs. Je n’ai pas traité les maladies par appareil, la cardiologie, la rhumatologie. Cela aurait fait catalogue et aurait été lassant. J’ai essayé de déterminer quelles étaient les grandes périodes de l’histoire de la Médecine. La circulation, la microbiologie, les greffes, les organes artificiels sont de grands moments.
Vous avez partagé l’écriture des dialogues avec Bercovici ?
Non, j’ai tout écrit mais parfois il m’apportait quelques pointes d’humour dans les textes.
C’est vrai qu’il y a de l’humour dans votre ouvrage, ce qui est souvent le cas chez les grands médecins. Cette histoire va vous permettre de toucher un public plus vaste et lui montrer que la médecine, ses progrès, tiennent parfois à peu de chose ?
Exactement. Je voulais toucher un public de gens intéressé par l’histoire des sciences en général. Mais qui ne sont pas pour autant près à rentrer dans un bouquin de 500 pages.
Absolument. On est souvent, en médecine, face à des situations liées au hasard, parfois totalement cocasses, imprévues. C’est ce que j’ai voulu mettre en exergue. Quand je fais mon cours à la Faculté ce n’est pas toujours facile quand vous avez trois cents étudiants dans l’amphi. Pour avoir le silence, je commence par leur raconter une histoire : Ambroise Paré est au siège de Perpignan. Il a une amputation faire. Le tisonnier est dans le brûlot. Le silence se fait. Qu’est-ce qu’il va pouvoir nous raconter ? Et j’ai l’amphi avec moi.
Vous avez tiré le fil rouge des grandes préoccupations des médecins au fil des siècles qu’ils comprennent plus ou moins. II faut leur trouver une solution, peste, choléra, anesthésie.
J’ai essayé. Avant la fin du Moyen Âge, on est dans les idées d’Hippocrate et sa théorie des humeurs. Il n’est jamais allé voir l’intérieur d’un corps. Il invente une théorie toujours actuelle, quelqu’un de sanguin par exemple. On arrive à la découverte de la circulation et puis aux microbes, la vaccination. Et tout s’accélère.
Le XX siècle, c’est celui des Lumières pour la médecine où tout va de plus en plus vite ?
Oui, c’est le parfait résumé. Tout se passe à partir de la fin de la seconde guerre mondiale avec une efflorescence remarquable de connaissances médicales. On dit que la connaissance de la médecine double tous les sept ans de nos jours. Ce qui pose un problème pour un professeur de médecine qui doit intégrer tout ce qui se fait de nouveau. La médecine est une science et n’est plus un art. Grace aux techniques modernes et la connaissance des phénomènes biologiques, on fait une médecine de plus en plus scientifique.
C’est une révolution. On en est qu’aux balbutiements. Dans dix ans, on pourra réécrire des chapitres entiers. L’intelligence artificielle va modifier le diagnostic. Un scanner traité par intelligence artificielle vous donne le diagnostic des dix meilleurs radiologues au monde.
La technique a-t-elle pris le pas sur la logique basique du diagnostic ?
Oui, c’est pour ça que sur ma dernière case, c’est un patient qui vient voir son médecin traitant et lui dit qu’on lui a fait plein d’examens et qu’il faut qu’il lui explique. Ce contact humain du généraliste va rester fondamental. Le patient est perdu devant ces résultats. C’est le travail du nouveau médecin de famille de demain.
On parle beaucoup de cardiologie, votre spécialité, dans cette histoire de la médecine ? Les progrès sont fabuleux.
Le cœur est un organe où on est capable de changer absolument tous les éléments, plus la transplantation et le cœur artificiel. Valves, artères par voie externes. Vous m’auriez dit ça quand j’étais interne, j’aurais crié à la science-fiction.
Jeanbrau est urologue comme vous le savez. Il est à Biarritz pendant la guerre pour soigner les Poilus en convalescence qui viennent de la Somme. Ils ne vont pas à Paris pour ne pas choquer la population qui risquait d’être impressionnée par cette foule de blessés. Donc ils vont en train à Biarritz, c’est long et il y en a un qui arrive exsangue. Jeanbrau, homme de bon sens, décide de le transfuser car il est perdu. Il le fait, de bras à bras et cet homme va vivre jusqu’à 98 ans. Jeanbrau ne connait pas les groupes sanguins. Quand Steiner publie les groupes sanguins, il est Autrichien, il le fait en allemand. Les Français ne lisent pas la presse ennemie. Donc ce n’est qu’après qu’on prendra conscience des groupes sanguins.
On voit aussi que les Arabes ont été des passeurs de connaissances médicales avant le Moyen Age ?
Oui, du Grec vers l’arabe. La conquête obligeait que tous les textes soient traduits en arabe. Ces textes sont restés alors qu’en Occident au Moyen Age, on ne se souciait pas de culture. Ils ont été traduits en latin mais à la Renaissance.
Cette Histoire vous a donné envie d’écrire d’autres BD ?
Oui. On est en discussion avec Les Arènes qui pensent que certaines des histoires, que je survole, mériterait d’en faire un album. Ce sont souvent des personnages de roman qui ont des vies étonnantes. On cherche les personnages qui pourrait faire une série, un médecin un album.
L’Incroyable Histoire de la Médecine, Les Arènes, 22,90 €
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