Manu Larcenet est un cas. Auteur parmi les plus, si ce n’est le plus, talentueux de toute sa génération, et même des autres, Larcenet est un drôle de paroissien. Bizarre que ce terme déboule dans le débat, Larcenet serait-il un disciple de Mocky ? Larcenet aussi va faire appel à Dieu, comme dans le film. Son humour (de Larcenet, pas de Dieu), sa spontanéité, ses interrogations, ses trouilles, ses plaisirs, il en a fait une nouvelle série, Thérapie de groupe, épisode 1 l’étoile qui danse. Il avait annoncé la couleur sur ses sites. L’album est là. Manu Larcenet est à découvert dans tous les sens du terme. Il crée dont il est, ou serait, ou pourrait être. Il n’y arrive pas, en panne et voit des renards partout. Interrogation existentielle, toujours présente dans son œuvre, la création. Un combat ordinaire qui méritait bien un retour à la terre pour éviter le blast fatal. Alors on le suit, on flashe sur ses visions intimes, ses regrets, ses pulsions et l’étoile danse enfin au firmament de pages qui sont autant de plaisirs douloureux sur fond psychanalytique avoué. Du grand art sincère qui touche au cœur.
Trop de BD tuerait la BD. Mais où est donc passée l’idée du siècle ? Qu’il ne faut pas louper en profitant de la vie. Un inquiet, un terrorisé de la création. Dieu est-il aussi un inquiet parce que côté création… Reste que ça part mal pour Manu. L’ex-génial auteur a un trou noir dans les neurones. Il cherche une idée de sujet, même un petite. Résultat le néant sans l’absolu. Des broutilles et une petite famille qui s’inquiète avec sérénité cependant. L’AFP le dit, Manu ne fout plus rien hormis jeux vidéo, pétards, Lego et bouffe. La création artistique vue par Nietzsche lui est inconnue. Dramatique mais il lira ses BD. Le créateur est en panne, sèche. Un boucher serial killer ? Pas un bon plan. Le parti des joyeux drilles déporte à tour de bras les dépressifs. S’il n’en reste qu’un il sera celui-là. Du mammouth laineux à Raphaël inspiré par Dieu, il n y a qu’un pas. Vive les Muses et Manu s’en verrait bien une dans le décor.
Les enchainements sont en souplesse, on monte en puissance, il dérape et on le suit en toute simplicité, facilité. Manu Larcenet joue des styles, du trait, des idées, des personnages dont sa progéniture (« la vérité ne sort de la bouche des enfants que si on les drogue et c’est interdit »), sa femme vétérinaire que l’on connait bien, « vétérinaire pas tueuse en série ». Des visions psychédéliques sous trip zanax et enfin l’excellent Cézanne pour une apothéose, remise en question destructrice. C’est beau comme de l’antique cet album, si incongru, si émouvant qu’on le passe au crible plusieurs fois. Ce retour à la création est un grand moment de bonheur teinté parfois d’inquiétude affectueuse pour un Larcenet toujours à la limite d’une souffrance bien réelle.
Thérapie de groupe, Tome 1, L’étoile qui danse, Dargaud, 14,99 €
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