Étienne Willem était sétois pour la 6e édition de BD Plage. Il en a signé l’affiche. Cet historien de formation, master en histoire médiévale, s’est fait connaître avec L’Épée d’Ardenois (Paquet). Il a enchaîné ensuite avec l’univers de l’aviation pour Les Ailes du Singe dont le tome 2 vient de sortir. On est dans les années 30 pour une série qu’il qualifie, on va le voir, d’uchronie. Avec ligneclaire, Étienne Willem est revenu sur sa carrière et ses envies, ses projets. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Étienne Willem, pourquoi ce choix de la BD animalière ?
C’est vrai que ma première série était aussi animalière, L’Épée d’Ardenois. J’ai également un projet avec Bamboo, Julie Petitout et les fantômes de l’exposition universelle, scénario de Jack Manini, qui sera aussi animalier. A la base je voulais partir sur de l’animalier pour prendre le contre pied de l’heroic-fantasy facile. J’étais un gros lecteur du genre et puis j’ai été de plus en plus déçu. L’univers est très compliqué et quand on l’a compris, cela se réduit à la lutte entre le gentil et le méchant.
Cela permet de faire évoluer le récit ?
Oui, car on a une longue tradition littéraire animalière comme les fables d’Esope, de La Fontaine, le roman de Renart. On a l’habitude d’associer un animal à un caractère. Cela permet de vite caractériser les personnages, de faire avancer une histoire assez simple comme dans le premier tome de L’Épée d’Ardenois. On voit le héros, on découvre le méchant. Et au fur et à mesure je complexifie le récit et l’univers.
Effectivement, qui a donc évolué largement depuis le tome 1.
On sent dans votre œuvre une influence du dessin animé ?
Bien sûr. Comme j’ai fait de l’animation en studio pendant 20 ans c’est évident.
Pourquoi être passé d’un monde médiéval à celui de l’aviation des années 1930 ?
Arrivé au terme de L’Épée d’Ardenois, je me pensais très à l’aise dans l’univers médiéval et je voulais passer à autre chose, à des sujets que je ne savais pas obligatoirement dessiner. Des avions, des villes modernes, je suis tombé avec Les Ailes du Singe dans les années trente une période que j’aime beaucoup et à laquelle je trouve beaucoup de points communs avec la notre.
C’est à dire ?
Fascisme, crise économique, montée d’une morale qui tombe dans l’auto-censure, on n’ose plus rien dire de peur de choquer, ce qui à terme peut créer des frustrations et de la rancœur. On ne peut pas tout faire mais de là à se taire.
Dans L’Épée d’Ardenois, c’était beaucoup plus clair. Le lapin était le sympa, l’ours le grincheux. Quand je suis passé aux Ailes du Singe, j’ai gardé le côté animalier pour avoir une passerelle entre les deux séries. Mais après c’est plus des envies graphiques, choisir des animaux que je n’avais pas utilisé pour L’Épée d’Ardenois, prendre un singe pour sa silhouette en s, plus sinueuse, jazzy, dans la lignée des années trente comparée à une silhouette médiévale plus monolithique. Les personnages dans Les Ailes du singe, c’est une envie graphique avant tout plus qu’un besoin que ça colle vraiment avec le caractère.
Vous aimez bien les pin-up comme on le voit dans l’Artbook ?
Elles sont très agréable à dessiner comme aussi Clara l’actrice dans Les Ailes du Singe qui a disparu vite mais qui était secondaire.
Mélanger les personnages historiques connus et romanesques comme Roosevelt, Hugues, c’est compliqué et un choix ?
Oui c’est un choix délibéré. J’ai une formation d’historien. Ce sont des personnages comme Roosevelt qui ont déjà une aura personnelle. Cela me permet de bien les camper dans ma tête et mon imaginaire. Et puis ce que j’aime beaucoup, je fais comme disait Alexandre Dumas, je viole l’histoire pour lui faire de beaux enfants. J’aime partir des personnages réels et arriver sur de la rétro science-fiction. Je vais dévier de l’histoire officielle des USA. C’est de l’uchronie en fait Les Ailes du Singe.
Cela va en devenir une. On est en 1933 et la prohibition n’est pas finie, qui va continuer. On va voir la crise qui ne se résout pas, la montée en puissance de nostalgiques des vieux état du Sud.
Et en Europe le nazisme s’installera ?
Non, c’est un thème trop utilisé aujourd’hui. Je pense que Hitler va se faire assassiner très vite par un bolchevique mais en se concentrant sur les USA il y a déjà moyen de faire pas mal de choses.
On en est au tome 2 des Ailes du Singe. Vous étiez parti dès le départ sur une série ?
C’est très compliqué de lancer actuellement une nouvelle série. On s’arrange pour faire un album qui se tienne et qui puisse au pire être un one-shot. Avec des portes ouvertes pour la suite. Les trois personnages principaux étaient les héros potentiels d’une série. Le prochain est dans la lignée du second. Il se passe à Chicago. Al Capone n’est pas en prison d’où une nouvelle fracture historique.
Vous pensez que les lecteurs la voit cette fracture ?
Ce n’est pas important. Le but c’est d’arriver à un énorme bouleversement dans la grande Histoire. Ce sera à la fin du 4e tome. Le but de l’uchronie c’est se demander où est le point de divergence du récit avec l’Histoire officielle. Le lecteur pourra avoir ainsi une nouvelle lecture. On garde les mêmes personnages dont Howard Hugues, un caractériel dont le but est de sortir les USA de la crise avec une nouvelle source d’énergie, le Z3, et on lui met des bâtons dans les roues. On a une montée vers l’extrémisme d’une partie de l’armée et mettre ce carburant à leur service est trop dangereux.
Vous avez d’autres projet en cours ?
Oui, comme je vous l’ai dit je suis sur un projet avec Manini. Jusqu’en janvier je travaillais à mi-temps dans un studio de dessin animé mais maintenant je suis à 100% sur la BD. Je passe mon temps avec beaucoup plus de plaisir sur le projet avec Bamboo par exemple. Et les albums marchent bien.
Des envies ?
Je rêve de me lancer dans un projet steampunk. C’est un mouvement qui date de sept ans et qui est dans l’air du temps. C’est compliqué parce que le steampunk c’est une sorte de fourre-tout. On trouve un peu de tout, des super-héros en steampunk, des vampires. L’univers c’est celui de Jules Verne mais les meilleures histoires steampunk sont celles qui s’en réclament le moins qui en font sans le savoir. Il faut être capable de justifier l’univers et là on risque de perdre le lecteur. J’aimerais beaucoup en faire mais c’est très compliqué et je ne suis pas sûr de réussir. J’aime aussi le XVIIIe siècle anglais. L’envie en fait est partout, n’importe quelle époque est bonne à traiter.
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