Une authentique émotion, forte, sincère se dégage de cette autofiction signée par Espé. Dans Le Perroquet on suit le parcours à la fois terrible et bouleversant d’un jeune garçon dont la mère est depuis sa naissance atteint de troubles bipolaires. Un mot vague et violent toujours aujourd’hui qui pointe du doigt bien souvent une large lacune de la psychiatrie et la faiblesse des traitements possibles. Une réalité implacable qui ne peut être atténuée que par l’évasion vers un imaginaire plus serein, le destin de Bastien que raconte Espé est plus que poignant. On se sent concerné, malmené, ému aux larmes par un drame dont les acteurs sont impuissants face à une maladie non maîtrisable. Le Perroquet est sûrement l’un des ouvrages qui marquera l’année.
Bastien a une maman qui est malade depuis qu’il est petit, une maman sans âge qui le fait rire mais aussi fait peur. Des hurlements, des crises à répétition, des infirmiers qui lui passent une camisole, des médicaments en masse qui abrutissent cette jeune femme dont personne ne comprend pourquoi elle n’est pas heureuse alors que, comme dit son père intransigeant, elle a tout pour. Bastien sait que sa maman est une fille-mère, qu’elle s’est mariée contre la volonté de ses parents. Marie souffre de troubles bipolaires à tendance schizophrénique. Une folle comme on dit encore que des médecins ont promis de guérir. Elle va se battre Marie, pour Bastien, pour son mari qui la soutient de toutes ses forces, du plus simple au plus violent les électrochocs. Des fois elle va mieux et rechute. Elle repart en ambulance et Bastien va la voir à la clinique assommée par les tranquillisants. Elle ne peut plus travailler, voit encore ses copines et grossit la jolie Marie. Bastien pense que sa maman est peut-être un super-héros. Et ses copains vont en être convaincus, témoins d’une crise en pleine rue. Rien ne différence Marie des autres. En apparence mais elle peut exploser à tout moment. Il y aura enfin le perroquet que sa maman avait fabriqué pour Bastien, un souvenir d’elle qui sera le dernier.
Espé s’est inspiré, il le dit, de son propre vécu. Il a grandi avec une maman bipolaire et la BD a été sa porte de secours. On sent que ce qu’Espé fait vivre à Bastien n’est pas inventé. Trop de sincérité, de force et de détails. Sa tante atteinte elle-aussi s’est suicidée. C’est ce qui sera le détonateur de la mise en œuvre du Perroquet. Un perroquet qu’Espé a eu enfant. Accompagner le malade, vivre à ses côtés souvent impuissant, dans l’impossibilité de comprendre, la solitude des proches et des autres face à la maladie, la honte parfois, un sujet tabou, la détresse, tout cela Espé le transmet dans son ouvrage. On notera l’utilisation judicieuse des aplats de couleur selon les chapitres et un trait plus agressif, caricatural que d’habitude. Un témoignage d’un quotidien infernal où le malade est balloté, enfermé dans sa souffrance, Le Perroquet doit permettre de parler de ces maux de l’esprit, avec tendresse et amour. Espé en a bourré son bouquin.
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