C’est ce que l’on pourrait qualifier d’opération de secours. Le tome 65 des Tuniques Bleues sort avant le 64 et sans ses pères fondateurs, Raoul Cauvin qui passe à autre chose, Willy Lambil qui tente de se faire à l’idée avant de reprendre les rênes d’Arabesque. C’est donc José Luis Munuera et les BéKa qui sont les maîtres d’œuvre de cet album original à plus d’un titre, par le sujet, le dessin de José Luis et l’écriture scénaristique. Au point de se dire, même quand on est accro de la série depuis le tome 1 avec Salvérius, qu’il est peut-être temps de passer à autre chose et que Munuera, après Spirou, Zorglub, ce n’est pas mal du tout en fait. D’autant qu’au départ il devait simplement scénariser. Donc, à suivre de près en excluant un turn-over sur nos Tuniques qui ont pris un second départ si ce n’est souffle avec cet Envoyé spécial bien ficelé, respectueux cependant de tous les critères de la série dont un fait historique en toile de fond.
Il est Anglais, journaliste et va devenir le premier grand reporter de l’histoire de la Presse. William Howard Russell est un empêcheur de publier en rond et ses patrons au Times, l’exportent aux USA où, on le sait, la guerre fait rage entre le Nord et le Sud. Un pointilleux sur sa mule Russell qui compte les cadavres dont un qui ressuscite, Blutch ex-mort au combat. Rejoint par un Chesterfield colère, Blutch tempère ses ardeurs. Le reporter veut aller au cœur même des combats et il obtient l’autorisation du commandement sur recommandation de Lincoln. Aux deux larrons de devenir ses gardes du corps. Entre deux désertions, les trois hommes rencontrent dans une ferme une jeune femme énergique qui s’occupe d’orphelins. Elle va leur confier comment, mariée de force à un Sudiste qui la battait et pour une autre raison encore plus privée, elle s’est enfuie. Une histoire que note le journaliste.
Évidemment, et c’est la vérité, les articles de Russell défrayent la chronique en Europe mais aussi au sein de l’État-major nordiste. Il va falloir trouver une solution à l’avenir de ce garçon incorruptible, premier correspondant de guerre qui envoyait ses papiers en direct par télégraphe. Munuera et les Baka emballent le récit qui se modernise, on le dit, et acquiert une ardeur nouvelle. Il y a plusieurs histoires qui se recoupent et se rejoignent avec une vraie logique, un sens du romanesque qui donne aussi à Blutch et Chesterfield des profils moins finalement caricaturaux. Munuera, on l’a dit, a gardé les repères pour ne pas perturber les fans. Un bon et bel album auquel on verrait absolument une suite. En fin d’album deux pages du prochain Tuniques Lambil-Cauvin (dont ce sera le dernier scénario), ce qui n’est peut-être pas l’idée du siècle.
Les Tuniques Bleues, Tome 65, L’envoyé spécial, Dupuis, 10,95 €
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