François Boucq est un auteur qui ne cesse d’étonner, de séduire. Maître d’un dessin parmi les plus aboutis du 9e art, évocateurs, à la fois réaliste et poétique, caricatural ou d’actualité, Boucq a un mois de mars 2018 pour le moins chargé. Un second tome du Bouncer, le 11, L’Échine du dragon, qui boucle un diptyque (Glénat) dont il a signé scénario et dessin, un Spécial Trump et ses tweets (Éditions i), des expositions à la galerie Glénat et chez Huberty et Breyne dès le 2 mars, des projets, François Boucq est revenu en détails avec ligneclaire pendant le dernier festival d’Angoulême sur le Bouncer mais aussi sur sa vision de ce qu’est pour lui la BD. Un entretien en toute liberté avec un auteur rare et profondément humain. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
François Boucq, comment cette histoire de carte tatouée sur le crâne d’une gamine, point de départ de la nouvelle aventure du Bouncer, vous est arrivée à l’esprit ?
Il y a un moment où mon éditeur avec qui j’ai beaucoup travaillé sur ces albums m’a dit « ça serait bien de faire une course au trésor ». La plupart du temps ce genre d’histoire se termine avec une pointe de cynisme. Le trésor s’envole en fumée à la fin. Je trouvais cela frustrant comme par exemple dans le Trésor de la Sierra Madre. Celui qui trouve le trésor ne peut pas l’avoir. Ce n’est pas bon pour le lecteur. Donc j’ai fait une histoire où le héros a le trésor. Mais il s’en fout le Bouncer. Son rôle de chaperon, c’est de sauver la petite fille. En plus, il y a le trésor. Tant mieux mais son objectif est purement moral.
Ils ont, ces soldats, une légitimité car ce trésor ont leur avait confié et ils doivent le retrouver pour le ramener. L’idée était aussi que le Bouncer aille loin. Loin c’est le Mexique et cela collait avec l’aventure de Maximilien. En plus on a des personnages très pluriels. C’était intéressant d’avoir cette représentation européenne. Plus la comtesse. Dans les deux albums le Bouncer rencontre des femmes très différentes. C’est aussi un aspect important de cette histoire. Une ogresse, une gamine pubère, des femmes sauvages, la femme aimante, au fur et à mesure il y a des tas d’aspects féminins en fil d’Ariane.
Comment avez-vous progressé dans le scénario à partir de l’idée de trésor sauvée ? Vous avez écrit les deux albums et ensuite attaqué le dessin ?
Non, j’ai commencé à dessiner sans avoir fini le scénario. On le voit dans le documentaire qui vient de sortir, La Journée. C’est comme ça que c’est intéressant. La BD, ce qui vaut le coup c’est d’avoir un objectif. Le Bouncer est confronté à la fin à un coup de théâtre important pour lui mais il ne faut rien en dire. Et cela m’ouvre un avenir différent. Pour le trésor qu’il récupère cela peut donner lieu par la suite à une autre aventure.
Il y a des choses rigolotes quand on écrit une histoire. On a des perspectives mais on la découvre au fur et à mesure qu’on la raconte. On voit des personnages apparaître qui se dévoilent. Ces croque-morts ont compris pour le trésor mais ensuite que vont-ils devenir ?
La nature, les paysages, quel travail puissant et quelle perspective sur un environnement en plus ingrat, le désert, le passage dans le canyon où un sifflement diabolique retenti.
C’est encore des trucs qui arrivent en cours de création. Dans le tome 11, je me suis dit pourquoi ce canyon avait la réputation de rendre fou ? Je suis allé à Lac Powell aux USA en bateau sur le lac artificiel et on pénétrait dans des canyons qui se rétrécissaient. Dans la fente de la roche on voyait la trace du vent. C’est à la fois graphique et un témoignage. Si il y a du vent le sifflement pouvait être terrible. Mais il fallait qu’il y ait une sorte de sifflet pour provoquer ce bruit effrayant. C’est nécessaire pour l’histoire on le voit, et c’est logique, ce qui est indispensable.
Il faut arriver à trouver un fil rouge qui permet de greffer dessus ce qui va faire évoluer l’intrigue ?
C’est une aventure la BD pour le dessinateur et il faut garder cet axe. Si tu connais dès le départ toute ton histoire ce n’est pas intéressant de la dessiner. Par contre si on se dit j’y vais et on verra bien, des solutions arrivent. J’ai reçu de mon éditeur des photos de désert dont une de trace de météorite. C’était tellement beau ce cratère de météorite, un cercle dans lequel des gens vivent peut-être. Symboliquement cela m’intéressait d’y faire vivre des femmes dans un univers lunaire. J’ai failli aller plus loin sur cet endroit avec ce que l’on trouve dans la société pré-colombienne pour laquelle la lune démembre et le soleil rassemble.
Sans paroles ce qui est violent en effet. Les personnages doivent supposer les intentions de ces femmes cruelles.
Combien de temps avez-vous mis pour réaliser ces deux albums du Bouncer ?
Une année et une planche par jour. A condition de savoir ce que l’on veut dessiner. On ralentit quand on n’a pas encore une vue très claire du dessin.
Vous jouez sur les coups de théâtre qui remettent acteurs et héros face à des situations inextricables. Ce n’est jamais un long fleuve tranquille.
J’essaye de surprendre. On se dit le méchant va être en duel avec le héros et puis non. Surprise. J’essaye d’échapper aux clichés qui sont des idées bien installés dans des BD ou des films. C’est très facile de les utiliser car ils sont déjà en sympathie avec les lecteurs. L’idée avec ce genre de scénario c’est de penser qu’on va avoir droit à un cliché. Erreur, au contraire.
Jodo voulait que peut-être le Bouncer se marrie. A voir à la fin du tome 2 avec l’autre surprise à ne pas dévoiler qui relancera sûrement la suite des aventures du Bouncer. J’ai pas mal d’idées.
Et quelle actualité François Boucq hormis le Bouncer ?
En même temps que le tome 2 du diptyque du Bouncer début mars, le tome 11, on va sortir chez les Éditions i (j’y ai publié Portrait de la France) un bouquin avec 100 tweets de Trump qu’on a sélectionnés avec Vanessa Duhamel et moi je les ai illustrés. Au fait, le Janitor n’est pas fini contrairement à ce qu’on a pu penser. On peut continuer d’autant qu’il pourrait y avoir un projet de série TV. J’ai également commencé un Moucherot dont j’ai fait 80 pages. Puis un nouvel album avec Charyn. Jérôme voulait une suite à Little Tulip. Pas moi. On reprendra l’histoire quelques années après. Le personnage du tatoueur deviendra un personnage secondaire. J’ai aussi plusieurs expositions prévues en mars.
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