Deux Dracula sinon rien. C’est un peu le mystère des programmations de sortie. Bram Stoker a inspiré deux nouvelles adaptations de son roman mythique. La première, une réédition, est signée par Mike Mignola au dessin avec Roy Thomas au scénario. Comics certes mais d’un niveau qui en a fait un titre introuvable. La nouvelle version a été remastérisée. L’original est sorti il y a 25 ans. La seconde est celle de Georges Bess dont les planches s’exposent à Paris à la Galerie Glénat. Une vision somptueuse, au trait noir et blanc qui affirme un style gothique inédit.
C’est l’adaptation du film de Coppola que Mike Mignola et Roy Thomas ont réalisé. Un retour sur les causes de la naissance de Dracula, un seigneur dont la femme se suicide. Elle est interdite d’église, ce que ne peut admettre Dracula qui vient de sauver la Chrétienté. On arrive ensuite à 1897, les deux amies Lucy et Mina en pleine crise sentimentale. Une a trois copains, l’autre modèle de vertu et de fidélité a pour fiancé Jonathan Harker qui est parti en mission chez le comte Dracula. Il vient d’acheter une propriété en Angleterre. La suite, on la connait. Mignola a fait de Dracula un personnage très XVIIIe. Les vampires, belles et années 30, aplats et regards angoissés, loup-garou et Van Helsing au look de baroudeur, on retrouve bien Stoker vu par Coppola, filtré cependant par Mignola. Efficace.
Dracula, Delcourt Comics, 15,95 €
Pour Georges Bess, c’est un autre registre qui colle plus au roman et à l’ambiance telle que l’on se l’imagine. Mais c’est avant tout son dessin qui explose au fil des pages. Noir et blanc, on l’a dit, il a un trait marqué qui sait aller au plus fin des détails pour mieux valider le caractère des personnages. Bess est lyrique, poétique même dans un environnement pas totalement gothique. Sa vision du cimetière de Whitby où Mina attend son fiancé est d’un très haut niveau graphique. Pages encadrées ou enluminées, panoramiques, Bess met en jeu toute la palette de son art. On est là encore dans une vision début de siècle façon franco-belge. Bess joue sa propre partition de Dracula, fidèle au texte. On retrouve même dans les deux albums parfois des dialogues similaires. Dracula apparait plus classique et aussi moderne. Une page découpée en trois bandes zoome sur son visage. On est envahi par sa présence malfaisante. Toute la force de Georges Bess est d’avoir investi le texte pour en faire une symphonie époustouflante, réinventée.
Bram Stoker Dracula, Glénat, 25,50 €
De belles adaptations, mais qui n’arrivent pas à la cheville de celle réalisée par Gerry Conway et Gene Colan durant les années 70 et 80.
Cette dernière, qui nous présente un Dracula inspiré physiquement par l’acteur Jack Palance (qui incarnera lui-même le personnage dans le film « Dracula et ses femmes » en 1974) nous montre le côté méphistophélique du vampire tout en le dotant d’un classicisme intemporel de bon aloi.
Toute une génération (la mienne celle des quadras) en fut profondément impactée (mais dans le bon sens du terme) .
Ceci-dit, nous parlons là d’une adaptation libre du Prince des ténèbres.
La meilleure adaptation BD reste donc encore à venir, à savoir celle qui se montrera d’une fidélité exemplaire au roman.
Car si la trame est parfois respectée dans ses grandes lignes, c’est (hélas) rarement le cas en ce qui concerne la psychologie et la physionomie générale des différents protagonistes.
Dont acte.