Dominique Bertail, dont on connait tout le talent de dessinateur depuis ses débuts, l’a mis au service de la biographie de Madeleine Riffaud, Madeleine qu’elle a cosigné avec Jean-David Morvan. A l’occasion de la sortie du tome 3, Ligne Claire a interviewé Dominique Bertail, auteur que l’on suit avec amitié depuis Shandy. Bertail a repris la génèse de Madeleine qui fera au moins neuf albums et dont le succès a été intergénérationnel. De plus la Galerie Barbier à Paris organise une exposition de ses planches qui se tiendra du 26 septembre au 2 novembre 2024, une occasion rare de plonger dans l’univers graphique de Bertail, tout en redécouvrant l’histoire captivante de Madeleine Riffaud, figure emblématique de la Résistance française. Pour l’occasion la Galerie Barbier édite avec une couverture originale un tirage de luxe de Madeleine, Résistante, tome 3 – Les nouilles à la tomate, éditions Barbier, 2024 avec un tiré à part à l’encre de Chine et aquarelle sur papier signé et numéroté. Cette édition fait la même taille que l’édition du commerce avec en plus 40 pages supplémentaires. Dominique Bertail viendra dédicacer cet album au sein de son exposition le vendredi 27 septembre de 17h00 à 19h30. (20 places disponibles) Pour vous inscrire, ou demander une dédicace à distance, merci d’envoyer un e-mail à caroline@galeriebarbier.com. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Dominique Bertail, quand tu t’es lancé dans l’aventure c’est le personnage de Madeleine qui t’a subjugué ? Comment Jean-David Morvan est-il venu te chercher ? Parce que ton dessin était en phase avec le sujet ?
On avait fait un bouquin ensemble sur le 6 Juin Omaha Beach, on se connait bien et depuis longtemps. Il aime bien mon dessin et m’a proposé Madeleine dès qu’il a eu assez de matériel pour en faire une série qui se tenait. Au début je n’étais pas très chaud car je bossais pour Fluide Glacial et Mondo Reverso.
Tu passais directement de l’humour décalé au drame le plus dur de l’Histoire de France, sur presque 50 ans d’un parcours d’une femme hors normes.
J’avais peur que ce soit pathogène pour moi et je sais que quand je me plonge dans la doc je peux me perdre très vite. Morvan m’a présenté Madeleine et le coup de foudre a été instantané. Morvan le savait. C’était aussi une vie de grande aventure celle de Madeleine Riffaud, pas que du devoir de mémoire.
Pour faire un point d’étape au troisième album, qui est toujours à Paris en 44, il y en aura un quatrième qui va couvrir les combats et la rébellion populaire, l’insurrection. Comment vous avez travaillé avec Morvan ? Il te livrait un album complet ?
On a beaucoup discuté, les choix, comment raconter cette histoire qui n’est pas tout à fait la même par Madeleine. Elle parle de façon thématique, une idée en amène une autre. Nous c’est chronologique le but étant d’être lisible par tous, un récit linéaire pour avoir le temps de voir le personnage grandir.
Tu as l’impression qu’au troisième album il y a eu une progression dans l’appréhension du récit ? Ton dessin est le support incontournable de Madeleine qui en a fait un belle part du succès. Le devoir de mémoire est nécessaire aujourd’hui.
Mon dessin a opté pour une narration assez proche du manga en sous couche. J’ai enlevé ce qui est rédhibitoire pour les gens qui n’aiment pas le manga, mais la narration est très japonaise et proche de celle d’Hergé. Un point médian entre les deux et avoir une référence du cinéma 40 français dans le graphisme. Par la lumière.
Madeleine qui y voit très mal ne pouvait pas voir les planches. Comment va-t-elle ?
Elle a passé le cap psychologique des 100 ans est passé et ils arrivent à travailler avec Jean-David. C’est l’écriture qui la tient.
Acte de mémoire, mais c’est son autobiographie ?
Oui et on l’aide à la mettre au jour, à trois. On pense qu’on aura du mal à faire moins de 9 albums. On va couvrir son passé militant, l’après-guerre avec Picasso, Elluard, la guerre du Vietnam US (pas d’Indochine française) et la guerre d’Algérie.
Tu parlais de documentation, le dessin, les détails sont fouillés, armement, décors.
C’est un travail énorme mais on s’attarde sur la doc quand ça touche vraiment à Madeleine. Ses armes, ses vêtements, les lieux où elle est. Quand c’est moins direct, les uniformes, les écussons, les véhicules allemands, cela ne m’intéresse pas de rentrer dans un fétichisme graphique. Mais Paris à l’époque oui. Madeleine voulait donner sa version la plus précise de ce qu’elle avait vécu.
On doit se sentir responsable quand on raconte la vie d’un personnage d’exception qui a vécu son histoire à travers la grande histoire.
Oui, cela nous implique en particulier vis-à-vis d’elle. Elle est aussi un des derniers témoins de la résistance armée et il ne faut pas faire d’erreur, prêter le flanc à des critiques. Ce sera plus compliqué pour l’Algérie ou le Vietnam.
Quels sont les retours des lecteurs que tu vois en dédicace ? Ils ont acheté ces albums pourquoi ?
Très variés les motivations. Il y a plus de non lecteurs de BD que de lecteurs de BD. Ce qui est nouveau pour nous. Il y a ceux à qui les parents ont parlé de la guerre qu’ils ont vécu. Et un gros public femmes mais adolescentes. Nous avons été très étonnés. Elles sont touchées par le parcours de Madeleine à 20 ans qui ne se plaint pas et agit.
Madeleine n’aurait jamais dû survivre à ce qu’elle vit en particulier dans le tome 3.
C’est ce qu’elle trouve le plus extraordinaire, d’être encore là pour le raconter. Elle est passée aussi à travers la tuberculose, la torture, la fusillade. C’est une survivante active et trompe la mort qu’elle a affrontée en permanence.
Pourquoi tu as fait le choix de la couleur bleue ?
Pour des raisons multiples. Je m’en servais beaucoup avant sur ordi. Il y a un grand nombre de variantes. Je ne voulais pas le faire sur ordi. Pas de couleurs classiques qui aurait été à contre-sens. C’est plus littéraire ce bleu. Les non-lecteurs BD sont souvent gênés par la couleur. Le noir et blanc est plus manuscrit comme Tardi, Pratt, Sattouf. Il y a plus d’albums vendu en noir et blanc qu’en couleur et ce n’est pas une idée reçue. Tout a été fait en traditionnel, en manuel.
Pour le moment, et encore longtemps, tu es totalement sur cette série ?
Oui c’est un peu le sacrifice. Le troisième j’ai mis sept mois. Le quatrième je pense mettre un an. J’essaie d’aller vite. On a la matière pour la totalité mais on affine et Madeleine a d’autres souvenirs qui reviennent. On a une pagination dans les 100 pages.
Tu lui a donné un relief saisissant à Madeleine, avec un visage parfois dur ce qui se comprend, volontaire.
Après sa sortie, après la torture elle ne voit plus les choses de la même façon. Chaque scène la fit évoluer. C’est un long roman d’initiation. C’est un luxe en BD de pouvoir faire ça. Chaque évènement a son importance. C’est un personnage assez magique Madeleine. La suite va être encore plus folle. Il fallait une implication totale, une empathie naturelle. Accompagner Madeleine dans la narration mais le troisième album a été douloureux à faire psychologiquement, entendre son témoignage en direct c’était dur, des nuits de cauchemar.
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