Un des tableaux les plus connus au monde, mais qui sait vraiment ce qu’a été le drame de la Méduse, que la Méduse était un navire de la flotte française sous la Restauration, en 1816, commandée par un incompétent promu par convenance politique après la chute de l’Empire ? Géricault a peint Les Naufragés de la Méduse, devenu le titre d’un album qui allie les qualités d’un reportage en direct sur le radeau à la bêtise et la prétention des donneurs d’ordre, l’horreur et la mort de pauvres gens qui vont aller au bout d’eux-mêmes. Sans oublier le romanesque dévastateur de la création artistique qui aura valeur de témoignage pour le futur. Une affaire d’état, La Méduse, ni plus ni moins étouffée que celles d’aujourd’hui. Lâcheté, copinages, politiciens amateurs ou idiots, menteurs, un procès bâclé et des héros d’un quotidien qu’il fera bon et facile d’oublier après. Allez, on ne se laisse pas aller. Avec le sublime Géricault, le talent de Jean-Christophe Deveney et Jean-Sébastien Bordas au scénario et dessin, s’embarquer sur La Méduse est un moment violent et indispensable. Sortie de l’album fin mai-début juin. A préciser.
Revenu d’Italie où il est allé voir de plus près les vieux mythes et la Bible illustrée comme il dit, Géricault est à Paris en 1817. Il y a un an la frégate La Méduse faisait naufrage. Il a été frappé par la lecture des témoignages des survivants. Violence, folie, espoir, Géricault est persuadé qu’il tient le projet d’une œuvre grandiose, celle de sa vie de peintre. Mais comment La Méduse a-t-elle pu en arriver à une tragédie qui va marquer l’époque ? A son bord un médecin, Savigny, son ami blessé Coudein qui refuse de débarquer. Direction le Sénégal avec beaucoup de soldats à bord ce qui ne sera pas sans conséquence pour ce bateau surchargé. Des passagers civils sont aussi du voyage comme le gouverneur nommé de la colonie de Saint-Louis, le colonel Schmaltz, très imbu de sa personne accompagné de sa famille. A Paris, Géricault veut consulter les minutes du procès du commandant Chaumareys, capitaine de la Méduse. qui n’a pas navigué depuis plus de vingt ans, crétin sublime. Géricault, ami de Delacroix, doit reconstituer le naufrage du 2 juillet 1816, pour mieux peindre le radeau sur lequel, en plus des chaloupes trop peu nombreuses, 170 personnes prennent place. 17 survivront au bout de deux semaines de calvaire et d’horreur au prix même de cannibalisme.
Très vite, les commandants de L’Écho et L’Argus qui accompagnent La Méduse comprennent que Chaumareys est incompétent. Comme ses propres officiers soumis à une hiérarchie multiple et versatile. Géricault va réussir à convaincre certains de témoigner à nouveau, raconter les erreurs de navigations, les passe-droits, l’abandon du radeau alors tracté par les chaloupes, et La Méduse qui ne coulera pas et sera retrouvée à flots. Il y aussi la vie tumultueuse amoureuse et familiale de Géricault qui ira jusqu’au bord de la folie pour mener à bien son grand-œuvre époustouflant, d’un réalisme émouvant, que deviendra Le Radeau de la Méduse. L’album de Deveney et Bordas est un grand moment de création, de souffle humain, pathétique et brûlant.
Les Naufragés de la Méduse, Casterman, 26 €
Le peu de ce que j’ai encore pu voir de cette BD me fait bonne impression car j’y retrouve tout ce que j’avais rassemblé dans « La véridique histoire des naufragés de La Méduse » ( Actes Sud en 1991 ) puis repris dans mon ouvrages intitulé « Le naufrage de La Méduse – paroles de rescapés » (Editions Ancre de marine en 2006 et enrichi en 2016) . J’ai hâte de lire cette BD en entier pour voir comment seront traités l’épisode du radeau et les quelques autres qui me tiennent à coeur. Je souhaite que le succès de cet album incite enfin un cinéaste de talent à traiter à son tour, avec un bon scénario, ce sujet si emblématique à tous points de vue. Bravo !
Bonjour Monsieur Hanniet,
Merci beaucoup pour votre commentaire qui nous touche d’autant plus que nous avons travaillé à partir de votre ouvrage « Paroles de rescapés » pour la partie naufrage de l’album, en plus des différents témoignages d’époque (Corréard, Savigny, Dupont etc…).
Je serai ravi de discuter de tout cela, à l’occasion, avec vous !
Jc Deveney
Jeunes gens,
Quelle joie de voir ce merveilleux album enfin publié ! Le genre « BD didactique », soucieux de puiser à toutes les sources court toujours le risque de la pesanteur et des longs emmerdements. Rien de tel ici, avec un vrai renouvellement du genre, où l’imaginaire et l’aventure jouent à plein et où le récit captive d’autant plus qu’il est respectueux de l’histoire. L’intelligence du scénario (et oui, c’est une surprise, mais le scénariste de BD peut être intelligent !) et la beauté des dessins aux cadrages saisissants (et oui, c’est une surprise, le dessinateur de BD peut être saisissant) font de cet album une source de réjouissances pour les amoureux d’histoire autant que pour les fans de BD. Réunir ces deux genres de mammifères est déjà un exploit qu’il convient à lui seul de souligner. Mais assez causé, plongeons-nous dans les Naufragés de la Méduse et remercions leurs auteurs !
Denis Roland, Rochefort