Il a le regard d’un éternel enfant. Et c’est aussi pour cela que Derib a su avec beaucoup de finesse et de générosité amener son héros Yakari (Le Lombard), sur un scénario de Job (André Jobin), à ce quarantième anniversaire et au 38e album des aventures du petit Indien. Derib était au Salon du Livre à Paris. Rencontre avec un auteur sensible, convivial, généreux et talentueux.
40 ans, un bel âge pour un petit garçon qui ne vieillit pas.
En fait ce ne sont pas quarante ans mais cinquante. Je travaillais à l’époque avec Peyo sur les Schtroumpfs et avec Walthéry on recherchait des personnages. On avait même pensé à un petit Camarguais car, vous le savez, je suis un amoureux inconditionnel du cheval. Une vraie passion qui ma valu de monter en concours et d’avoir comme ami Jean d’Orgeix, un maître en la matière. Pendant trente ans j’ai fait de l’obstacle, du dressage. C’est au début des années soixante-dix que Yakari a vu le jour scénarisé ensuite par Job.
Il y a eu aussi au début le journal Le Crapaud à Lunettes avec Job.
Oui, un magazine destiné aux enfants. Et puis notre association avec Job pour Yakari a aussi donné un journal qui portait le nom de notre héros, pendant vingt ans. J’ai quitté la Belgique pour m’installer en Suisse et je dessinais chaque année deux albums, un Yakari et un Buddy Longway, bien sûr, auquel j’ai mis un terme car contrairement à Yakari, Buddy vieillissait et meurt dans le dernier album. Rare de faire disparaître pratiquement toute une famille de héros. Mais j’avais fait le tour du personnage. Je savais que je le ferai dès le départ. Yakari, c’est le principe de Tintin. A l’époque les héros de BD ne vieillissent pas. On ne sait pas vraiment leur âge.
Avec Yakari votre public est jeune. Comment travaillez vous avec Job ?
Ce sont les enfants qui lisent Yakari en majorité, les 4 à 10 ans, des adultes aussi. N’oubliez pas qu’il y a une série de dessins animés. Pour la BD, avec Job, on part d’un synopsis et ensuite il m’envoie cinq à six planches à la fois. On se met d’accord pour les corrections et je commence le dessin. On est bien rodé même si la distance aujourd’hui entre nos lieux de résidence complique un peu les choses alors qu’avant on habitait à côté l’un de l’autre.
Dans ce 38e album paru au Lombard, Yakari va à la rencontre d’une autre tribu, du Nord de l’Amérique, qui ne connaît pas le cheval mais, par contre, sculpte des grands totems et pêche en mer ?
Oui, il y a aussi l’attrape-rêves car Yakari découvre que les rêves peuvent être filtrés pour écarter les mauvais. Il va se poser des questions. Dans Yakari et la baleine tueuse, avec l’aide du lapin magicien Nanabozo, totem d’Arc-en-Ciel, il part avec elle et son cheval chez les Haïdas, une tribu de pêcheurs. C’est normal que le cheval ne soit pas connu chez eux. Le cheval était dans les plaines, là où les Sioux habitaient dans leurs tipis et se déplaçaient. Le cheval a été importé lors de la conquête espagnole et s’est répandu en Amérique à partir de couples échappés. Pour les grands totems que sculptent les Haïdas, ils sont devant leurs huttes en bois car ces Indiens sont sédentaires. Et comme ils sont sur un île proche du Canada actuel, ils sont des pêcheurs capables de s’attaquer à une orque.
Yakari a un don, il parle aux animaux ce qui va lui rendre service avec l’orque tueuse.
Bien sûr et il y a une part dramatique dans cet album. Les enfants aiment avoir un peu peur. Yakari respecte la nature, les animaux. Son meilleur ami, c’est son cheval Petit-Tonnerre. Je suis passionné par l’histoire indienne. On cherche des idées. C’est vrai que l’on trouve beaucoup de documentations sur le web avec André.
Il devrait y avoir un long-métrage de Yakari et vous êtes très sollicité, expositions, autres ouvrages.
Le film est prévu. Il sera basé sur le scénario de l’album Le Lézard de l’ombre. Il sera réalisé par Xavier Giacometti normalement qui signe la série TV, une fausse 3D mais c’est toujours le montage financier qui est compliqué dans ce genre de projet. La BD devient toutefois de plus en plus porteuse au cinéma. Je travaille sur un bouquin sur les chevaux suisses des Franches-Montagnes, une fiction aux bases réelles. Le titre, Le galop du Silence. Yakari est la mascotte de l’exposition Les Indiens des Plaines au Quai Branly à Paris qui se tient du 8 avril au 20 juillet. Au festival BD de Blois, une exposition sera consacrée à Yakari en novembre prochain.
Et vous avez aussi un projet très personnel, l’histoire de votre crayon.
Un crayon qui ne m’a jamais quitté et c’est son aventure que je raconte à travers un recueil de dessins très varié, des portraits de Brel (je l’ai vu cinq fois sur scène) ou de Brassens, de joueurs de tennis, de mes héros. IL y aura 80% de dessins inédits et il sortira en juillet. Je ferai aussi un one-shot sur les chevaux du Jura. C’est difficile aujourd’hui de lancer une série. Les jeunes peuvent s’impliquer mais moi… Je vais peut-être adapter un roman d’un auteur Indien, L’Hiver du feu sacré, l’arrivée du fusil dans les plaines de l’Ouest. En un mot, je n’ai vraiment pas envie d’arrêter de faire de la BD.
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