Les banlieues lyonnaises, la communauté turque et la volonté de s’en sortir sans renier leurs origines, Jeu d’ombres est une chronique à la fois sociale, politique et d’actualité à la lumière des derniers évènements en Turquie. Mais la pression est permanente, les trafics aussi, sans oublier la rivalité de clans d’origine différente mais dont la religion est commune. Un sujet brûlant dont Loulou Dédola qui connait bien le sujet a fait un diptyque sans concession de destins croisés mais ouvert vers un avenir dont l’espoir n’est pas banni. On retrouve le dessin de Merwan après l’excellent L’Or et le sang, toujours précis, riche en contraste et en élans graphiques.
Il a sa licence de droit et un frère emprisonné pour trafic de drogue en Turquie. Ce qui n’est pas une sinécure. Cengiz est d’origine turque, laïc et à Mustapha Kémal comme modèle. Il habite la banlieue lyonnaise et se retrouve mêlé à un incident grave qui peut mettre le feu aux poudres, un bruit qui dit qu’un jeune a été tué par la police. C’est en fait Cengiz qui lui a permis de s’échapper. Il va pouvoir dénoncer la rumeur et servir de médiateur entre la police et les jeunes prêts à en découdre. En parallèle sa copine Viviane veut se lancer en politique avec l’aide de la sénatrice locale mais elle a besoin de la caution morale de Cengiz qui lui aussi est tenté.
Dans cette cocotte-minute qui peut exploser à tout moment, Cengiz va tenter de faire ce qu’il peut avec intelligence et investi d’un désir de laïcité qui va se heurter à une réalité incontournable. L’ambiance des cités est particulièrement bien rendue, sans rien occulter mais en remettant les choses à leur place. Le vocabulaire joue aussi un rôle important tout en étant parfois un peu hermétique. Le voyage de Cengiz en Turquie est pertinent, miroir d’un pays qui est en train de basculer dans un islam intransigeant après le coup d’état si mal préparé qui a servi comme par hasard les buts d’Erdogan. On découvre en fait grâce à Merwan et Dédola la communauté turque importante dans l’Est de la France et surtout en Allemagne. Le scénario tient bien la route et on est accroché au destin de Cengiz et de son frère qui risque de jouer les troubles-fête. Solide.
Jeu d’ombres, T1 Gazi, Glénat, 14,95 €
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