Une nouvelle très triste, Albert Uderzo nous a quitté à l’âge de 92 ans. Le dessinateur d’Astérix mais aussi de Tanguy et Laverdure, Oumpah-Pah. On avait eu la grande chance de le rencontrer souvent au début des années 2000 et même d’organiser un déjeuner interview avec Uderzo et Giraud. Un grand moment. Il nous avait reçu chez lui et on l’avait invité en 2004 au Midi Libre à Montpellier comme rédacteur en chef d’un jour. Sylvie Moretto avait, elle-aussi avec le Festival BD de Nîmes, donné à Uderzo la joie d’être le créateur du prix, un sanglier en or, qui récompensait les auteurs primés à l’époque. En fin de texte on peut lire l’interview d’Uderzo pour le 50e anniversaire d’Astérix dans lequel il dit qu’Astérix appartient avant tout à ses lecteurs. Au revoir Monsieur Uderzo. Et merci pour votre immense talent.
Le 29 octobre 1959, le premier numéro du journal Pilote, une sorte de Paris-Match pour les jeunes, sort en kiosques. A l’intérieur des sujets d’actualité, des planches de BD et le début des aventures d’un petit gaulois teigneux, moustachu, casque ailé vissé sur la tête. Astérix vient de naître sous la signature de René Goscinny et d’Albert Uderzo. Tout a été dit sur l’exceptionnelle saga : des dizaines de millions d’albums vendus, des dessins animés, des films, des produits dérivés, des thèses en Sorbonne, des bouquins, des traductions dans le monde entier, le choix du personnage par Goscinny et Uderzo sur le balcon du HLM où habite le dessinateur à la fin des années cinquante, la reprise brillante d’Astérix par Ferri et Conrad.
Moins connu : à la place d’Astérix Goscinny et Uderzo voulaient adapter le Roman de Renart, projet abandonné rapidement. Une certitude : même le général de Gaulle s’était pris d’affection pour le petit Gaulois et un satellite français a porté son nom. Et le journal Midi Libre aura été en 1963 l’un des premiers quotidiens à publier Astérix dans ses colonnes.
On sait encore qu’après la mort en 1977 de René Goscinny, scénariste génial, Uderzo a repris seul Astérix, textes et dessin, et qu’il a décidé que son héros pourrait être repris par d’autres dessinateurs. Mais le vrai constat incontournable, c’est que jamais depuis plus de soixante ans Astérix n’a connu la moindre baisse de régime, la moindre désaffection du public, progressant en ventes à chaque sortie d’album, rassemblant des millions de spectateurs. Devenu un monument national Astérix, avec Obélix, Panoramix et sa potion magique, les habitants de ce village gaulois qui résiste encore et toujours à l’envahisseur – et à la bêtise ambiante – fait partie aujourd’hui du patrimoine national. Tous sont devenus au fil des ans des compagnons de route fidèles des Français, un phénomène éditorial certes mais aussi historique sans égal que certains ont même tenté de récupérer politiquement s’attirant les foudres de Toutatis Uderzo.
A ses débuts, comme Peyo, Franquin et Morris, Albert Uderzo voulait faire du dessin animé. Mais le dessin d’humour a toujours tenté ce dessinateur au trait en perpétuel mouvement. C’est aux studios de la World Press qu’Uderzo et Goscinny se rencontrent au milieu des années 1950 et deviennent de vrais amis. Albert Uderzo a le dessin qui s’impose pour Astérix mais c’est avec l’Indien Oumpah-Pah (une sorte de précurseur mélange d’Astérix et d’Obélix) et le flibustier Jehan Pistolet qu’il débute tout en dessinant des séries plus alimentaires. Il signera aussi, lui qui adore l’aviation, les premiers albums avec Charlier de Tanguy et Laverdure (devenus Les Chevaliers du Ciel à la TV). Son dessin ne fera que progresser, enlevé, précis, gouailleur ou bourré d’émotion, devenu mythique et sans égal. Et qui se souvient aussi qu’Uderzo avait fait la couverture d’un disque de Gotainer ? J-L. TRUC
Albert Uderzo a toujours été étonné par son destin. Voici ce que ce grand monsieur de la BD disait dans une interview qu’il m’avait accordé pour l’anniversaire d’Astérix et où il se confiait en toute liberté. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC
Jamais parce que contrairement à ce que l’on croit ce succès a été pour Goscinny et moi très progressif. Il a pris du temps, nous ne nous le sommes jamais expliqué mais nous avons toujours été conscients de notre chance. Je suis resté prudent. J’en avais bavé. Quand j’ai débuté, pour vivre, j’aurai accepté d’illustrer le Bottin. Nous avons énormément travaillé. Il est difficile de trouver des idées nouvelles. René lui-même m’a annoncé au dixième album : « On a tout dit dans Astérix.» Et dans la foulée il a signé quatorze albums de plus et moi neuf.
Quand vous avez assumé la relève à la mort de Goscinny vous avez été inquiet ?
Je suis parti à l’aveuglette mais confiant. Exploiter par exemple les voyages d’Astérix est très compliqué car cela nous avait obligés à prendre des libertés historiques comme dans La Grande Traversée où Astérix découvre l’Amérique. Les lecteurs sont très vigilants. Et puis il y a la continuité des personnages, faire attention que par exemple Obélix ne prenne pas l’avantage sur Astérix, pas de politique, un brin de tendresse amoureuse sans plus. Pas simple vous savez.
Quel est votre album préféré ?
Avez-vous des regrets en BD, de thèmes non abordés ?
Sûrement d’avoir arrêté Tanguy et Laverdure. Mais je devais faire cinq planches par semaine entre Astérix, Oumpah-Pah et Tanguy. C’était trop. J’ai eu la chance de travailler avec les deux plus grands scénaristes de l’époque, Goscinny et Charlier.
Et demain ?
Je vais essayer de continuer moi-même avec de jeunes dessinateurs qui prendront la relève comme je l’ai souhaité. Astérix appartient à ses lecteurs. Je ne pouvais pas avoir la prétention qu’il disparaisse avec moi.
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