Il y a des titres parfois malicieux, que l’on pense avoir oubliés dans une pile d’ouvrages à traiter, supplantés par d’autres pour autant pas meilleurs et qui réapparaissent soudainement. Alors on s’y plonge et là on prend une vraie bouffée de talent dans les yeux. Vague de froid sorti il y a un mois fait partie de ces raretés qui tiennent sous leur coupe le lecteur envoûté. Jean Cremers y raconte la vadrouille rédemptrice de deux frères partis grimper au sommet d’une falaise mythique de Norvège. L’auteur a su sans la moindre pause ou essoufflement narratif, d’un trait d’une rare efficace simplicité visuelle, nous embarquer avec ses deux héros très attachants, invité à partager une tranche de vie tragique mais aussi porteuse d’espoir, et évidemment de fraternité qui réchauffe parmi ces froids de l’âme et des corps.
Sur le bac pour le Danemark, deux frère belges, un bien carré barbu et un jeunot en short partagent des sandwichs. Ils vont en Norvège. Jules a suivi son frère et va en profiter pour faire des croquis pour son examen aux Beaux-Arts. Il lui demande si depuis Amandine et Camille il n’a pas envie d’être seul. Martin élude, lui le passionné de culture nordique, de Vikings et de dieux dont Odin. Passage de douane un peu compliqué pour traces de hash sur le short de Jules et début de la route à travers des paysages d’une beauté froide. Coups de fil à répétition d’Amandine. Martin ne répond pas. Il est sur l’écriture d’un scénario mais n’est plus sûr de vouloir continuer. Bien que baraqué Martin a du mal à suivre le rythme en montant sur des chemins très pentus. Jules cavale. Ils arrivent à un refuge et Martin jette un coup d’œil dans le carnet de croquis de son frère qui lui demande où il en est avec leur père. Sujet délicat.
Il y a un fil rouge, Amandine, Camille, dont on ne saura pas le fin mot évidemment de suite. La force de Cremers est d’avoir créé un monde tout autour de ce qui sera ou pas une renaissance. Les liens entre les deux frères sont aussi à renouer mais comment. Une très forte tendresse, un Jules qui sous des aspects délurés cache des trésors d’affection, Odin et les croyances échappatoires de Martin qui elles cachent un vrai désespoir, la construction de ce récit est brillante, authentique, sans efforts voyants. Donc on y participe, on se laisse aussi bercer par le dessin de ces 250 pages. Une émotion garantie hors normes et bienfaisante.
Vague de froid, Le Lombard, 25 €
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