A première vue c’est un pavé. 512 pages au total, un bouquin qui pèse lourd et a même un marque-page, histoire de vous prévenir que pour une lecture en une seule fois vous pouvez repasser. Alors, pas d’autre choix, on plonge dans ce Terra Australis, en apnée, on en lit la préface de Laurent Frédéric Bollée et on a le flash, celui du coup de foudre. Car rarement un projet aussi ambitieux, raconter le peuplement d’un pays comme l’Australie, de ce pays qui deviendra le modèle d’aujourd’hui, nouvel El Dorado des jeunes générations, a été aussi bien fait, avec intelligence, justesse de ton, précision, honnêteté et objectivité, supporté en plus par le dessin fondateur de Philippe Nicloux.
Un roman ? Non la vérité, incroyable, cruelle et pathétique, porteuse d’espoirs pour certains, de craintes pour les autres, de mort et de désespoir. L’Angleterre, il y a plus de deux siècles, ne fait pas dans la dentelle. On emprisonne à tour de bras, la royauté est absolue et sa justice a la main lourde. Comment gérer à la fois une population de bagnards, femmes, enfants et hommes, et avoir des ambitions coloniales ? Simple, une déportation organisée sous contrôle de l’armée et de la marine royale. C’est un vraie décision politique. On se débarrasse à moindres frais d’une population à risques et si la greffe prend la couronne se paye un continent. Et on essaye d’oublier que l’Angleterre a perdu sa colonie américaine.
Un aller simple
Le voyage est sans retour, avec son lot de misères, de morts et de naissances pourtant à bord. 24 000 kilomètres. Pour l’époque un défi qu’acheminer 1500 personnes aussi loin. Le gouverneur Phillip sera le maître d’œuvre de cette expédition sans précédent. Homme courageux et sensible il sacrifie sa vie familiale pour partir commander la flotte et mettre en place une administration dans ce nouveau monde. Le 17 janvier 1788 la flotte arrive à Botany Bay. Il y a à terre les habitants, les Aborigènes, qui feront les frais comme les Indiens d’Amérique de l’implantation des futurs colons. Ce sera pour plus tard.
L’Australie aurait pu être française
Bollé n’a pas inventé ses héros. Ils ont existé et ont eu des destins divers. De l’ancien esclave César au commandant Ross, un méchant militaire, au puritain lieutenant Clark, au jeune ramoneur déporté John Hudson et bien sûr à Bennelong premier Aborigène à parler anglais et ramené en Angleterre, ils ont été des pionniers. L’Australie est née grâce à eux. Les Aborigènes la nommait Bandaiyan. On croise la route de La Pérouse. Pour un peu l’Australie aurait pu être française si La Pérouse avait précédé les Anglais et avait été plus vindicatif.
Avec Terra Australis on vogue sur le Bounty ou à travers les pages de l’Île au trésor. Compagnon de ces passagers hors du commun, le lecteur fait le voyage, découvre, témoin privilégié d’une aventure d’exception. Terra Australis en restera son compagnon de route et un ouvrage incontournable, une réussite éditoriale et humaine.
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