Osera-t-on dire, enfin ? Pourquoi pas, tant ce Grand Prix attribué à Cosey est juste. Avec un univers sans pareil, une finesse de trait envoûtante, un talent rare de conteur, de transcripteur d’ambiances, une pudeur et un sens de l’humour tout en nuances, Cosey a imprégné le 9e art de sa sagesse, de sa sérénité, à l’image de son Jonathan, héros sans l’être, si proche de son créateur. Bravo, c’est bien. Le choix de Cosey après celui d’Hermann montre que les autrices et auteurs savent ce que la BD doit à un maître de son envergure. Un dernier mot pour Manu Larcenet qui méritait et mérite d’être Grand Prix. L’an prochain peut-être ? Ce serait un vrai plaisir de plus et une reconnaissance très largement due. J-L. TRUC
Voici le communiqué officiel du festival : Au terme des deux tours du vote des auteurs et des autrices professionnel.le.s de bande dessinée, organisé par le Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême au cours de ce mois de janvier, la majorité des suffrages est allée à Cosey. Les autrices et les auteurs consacrent ainsi par leur vote un auteur dont l’univers onirique, tourné notamment vers les pérégrinations et les cimes enneigées, a déjà réuni, depuis plus de quarante ans, des lecteurs d’une indéfectible fidélité.
Né le 14 juin 1950 en Suisse, Cosey, de son vrai nom Bernard Cosendai, entame sa carrière à la fin des années 1960 auprès de son compatriote Derib, auteur de la série Yakari. Figurant parmi les lauréats d’un concours organisé par le journal Spirou, il signe en 1969 une couverture pour l’hebdomadaire. Dessinant par la suite pour différents journaux, il crée en 1975 dans les pages de Tintin un personnage auquel il va se lier durablement : Jonathan. Ni vraiment héros ni franchement anti-héros, Jonathan incarne dès son apparition une bande dessinée nouvelle, où l’aventure, tout en restant tournée vers les voyages lointains, est aussi volontiers introspective. Le personnage apparaît comme une figure un peu à part dans l’imaginaire du héros franco-belge : il se place d’emblée du côté d’une contemplation singulière, arpentant l’Inde, le Népal et le Tibet, en quête des autres comme de lui-même. Cette singularité, le personnage la doit à son créateur, qui lui a prêté ses sentiments, ses interrogations, ses impressions de voyages et ses goûts artistiques. Cosey a ainsi réalisé une bande dessinée que l’on pourrait aujourd’hui apparenter à l’autofiction, chose rare au moment où naît la série.
Nombreux sont les auteurs à avoir été marqués par la lecture de Jonathan, et à avoir été influencés plus généralement par le travail de Cosey : c’est le cas par exemple d’Étienne Davodeau ou encore de Manu Larcenet. Reconnu et honoré par la critique depuis de très nombreuses années, Cosey reçoit l’Alfred de la meilleure BD de l’année au Festival d’Angoulême en 1982, pour le 7e tome de la série Jonathan, Kate, puis l’Alph-Art du meilleur scénario, en 1993, pour Saïgon-Hanoï. Tout en revenant de temps à autre à Jonathan, héros au long cours dont la dernière aventure, Celle qui fut, est parue en 2013 (Le Lombard), Cosey publie par ailleurs les deux volumes du Voyage en Italie, qui inaugurent en 1988 la collection Aire Libre (Dupuis), où l’auteur réalise également Orchidea, Saïgon-Hanoï, Joyeux noël, May !, Zeke raconte des histoires et Une maison de Frank L. Wright. Il publie par ailleurs les deux volumes d’À la recherche de Peter Pan et Zélie Nord – Sud (Le Lombard), ainsi que Le Bouddha d’Azur (Dupuis).
Tenant d’une ligne claire aérienne soulignée par des couleurs douces, presque au bord de l’évanescence mais gorgées de lumière, Cosey est un observateur minutieux des grands espaces et des paysages du monde. Au cœur de cette œuvre résolument tournée vers le voyage se trouvent les neiges éternelles des montagnes lointaines, et la promesse d’un ailleurs toujours à découvrir. Tout récemment, en 2016, l’auteur reprend le temps d’un album le personnage de Mickey Mouse dans Une mystérieuse mélodie (Glénat), hommage au héros mythique de Walt Disney où Cosey imagine la rencontre de Mickey et Minnie. Une manière inattendue d’inviter le lecteur, une fois de plus, à un voyage en bande dessinée.
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