Cosey a mis son Jonathan à la retraite. Enfin, lui fait au moins boucler la boucle. La Piste de Yéshé (Le Lombard) ramène Jonathan à son point de départ. Cosey s’en explique avec ligneclaire, rappelle comment l’aventure a commencé. Dit aussi qu’il faut savoir s’arrêter au bout de dix-sept albums. Il libère Jonathan. Pas d’envies nouvelles mais aussi un recueil A l’heure où les Dieux dorment encore chez Maghen avec à la clé une exposition dans la galerie. Un tour d’horizon sincère et amical, sans nostalgie. Et en fin d’interview des planches de l’album La Piste de Yéshé proposées par Le Lombard. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Cosey, avez-vous des regrets d’arrêter Jonathan ?
Deuil et libération. J’ai peur d’avoir des regrets mais je pense que c’est le bon moment. J’ai trouvé cette fin qui me plait. Je lis aussi de la BD et ces séries à rallonge qui durent, ça ma fatigue. Il faut rester dans un nombre d’albums cohérents.
Dans une interview récente vous disiez que vous auriez pu arrêter au précédent album ?
Oui, c’était prévu mais je n’étais pas très content de la fin de cet album. J’ai relu les tout premiers Jonathan. Dans le tome un, il y avait le texte que j’ai mis en préface cette fois. J’avais trouvé la solution, ramener Jonathan à son point de départ.
La décision était prise, inexorable. Sans retour. Avec un peu de tristesse ? On n’abandonne pas un frère aussi facilement.
Oui bien sûr. Mais je lui lâche les baskets, je le libère. Il est content et moi aussi. J’ai fait dix-sept albums. Quand j’ai commencé avec le premier, en 1975 jamais il n’était question que cela deviendrait tout cela. J’aurais été ébloui à l’époque.
Vous avez été dépassé par le succès et la progression imparable?
Oui, d’une part par ce que vous appelez succès, peu importe, et d’autre part par le personnage lui-même qui va me faire faire dix-sept albums dans la foulée.
Quel a été le miracle ou la recette ?
C’est finalement l’éditeur qui m’a dit après le premier, à quand le deuxième. Donc j’ai compris que Jonathan pouvait continuer sans idées préconçues de ce que cela allait donner. Le tome un, je l’ai écrit comme un one-shot.
Est-ce qu’on peut être dépassé par un personnage comme Jonathan ?
Parfois j’ai eu l’impression de le pousser dans des mondes inconnus, dans des albums que j’aime un peu moins. Ce sont les voyages qui m’ont beaucoup inspiré les scènes, les rencontres.
Il y a une part assez philosophique dans Jonathan. D’introspection, de politique au Tibet. C’est une part de vous ?
J’ai toujours essayé d’apporter effectivement une part de moi-même, personnelle dans mes histoires. Pareil pour les images. Pour les trois premiers albums c’est de la doc. Ensuite ce sont mes voyages. J’ai piqué ici et là. Ensuite j’ai trouvé intéressant d’apporter mes propres observations, mon expérience de voyageur.
On revient à la politique, à la Chine. Le dernier album fait le bilan de la mainmise totale par la Chine sur le Tibet avec importation de population. Cela vous tenait à cœur.
Bien sûr mais ce n’était pas mon but de faire une BD engagée. Ni avec message. Mais ce n’était pas possible de raconter une fiction qui se passe au Tibet aujourd’hui sans mentionner le fait que c’est un pays occupé par son grand voisin. L’écrasement d’une culture, donc ce serait comme raconter une histoire en France en 1940 sans parler de l’Occupation. La seule possibilité aurait été de situer mon histoire avant 1950.
On retrouve dans cet album des personnages importants pour Jonathan. Féminins pour la plupart.
C’est sentimental, l’amour toujours. C’est une quête avec le déclic du message. Le premier Jonathan commence par une histoire d’amour qui finit mal. C’était un deuil. La recherche de l’amour est le moteur le plus important pour Jonathan. C’est un retour aux sources et c’est ce qui m’a plu. J’ai bouclé la boucle avec la dernière planche.
On a parlé de regrets tout à l’heure, du pourquoi. Est-ce que Jonathan aurait pu avoir d’autres aventures dans un style différent ou était-il cantonné dans cet univers ? Aller ailleurs ?
Il est cantonné à ce qui m’intéresse. A ce que j’aime, la montagne par exemple. Je n’avais pas envie d’en faire un Tintin en Afrique, en Amérique. Il y a deux exceptions américaines avec Kate. Il est attaché à l’univers que je connais un peu et que j’aime.
Vous vous êtes investi dans Jonathan et vous vivez à travers lui ?
Exact et il me rejoint à la fin. Il y a une certaine forme d’ambiguïté. C’est l’option de départ. Qui est qui ? Comme des enfants qui jouent aux cow-boy et aux Indiens.
Avec le livre Jonathan Livingston le goéland de Bach qui vous a marqué au départ.
Oui un bouquin coup de foudre quand on lit ça jeune. D’où le prénom de mon personnage.
Des envies ?
Non pas vraiment. Je reprends Largo Winch et Blake et Mortimer (rires). En alternance. (rires).
Passons au recueil chez Maghen, A l’heure où les Dieux dorment encore.
C’est un journal, intime. Il y a des sujets très personnels. Des voyages. Un aspect professionnel, l’étude de la couleur, de mon travail. La sélection s’est faite avec Vincent Odin qui a été très actif, avec des suggestions. Il m’a poussé dans mes retranchements et je l’en remercie. C’est un pavé de 300 pages. C’est un peu le pendant de tous les titres sur beaucoup d’années, sans chronologie. Des croquis de repérages, de travail, de plaisir.
L’étude de la couleur dans vous œuvres est passionnante
C’est très privé, il y a des affinités, des phénomènes que j’avais envie de décrire. Sur les relations des couleurs entre elles. On peut développer une étude ou une théorie et c’est en partie ces œuvres qui vont être exposées à la galerie Maghen. Pas que. Le titre est celui d’un poème de … Je n’ai rien en tête d’autre pour l’instant. Il y a dix ans j’ai eu un projet de western qui aurait montré la réalité de l’Ouest, pas celle d’Hollywood. Ou de la BD classique actuelle nourrie par la mythologie comme Giraud. Il y aurait eu des personnages moustachus, à pantalons sacs qui décevraient sûrement les amateurs de western. Cela ne m’a pas amusé suffisamment de m’y lancer.
Qu’est-ce qui justement vous amuserait ?
Je n’en sais rien. Je cherche à la fin de chaque album. Avant tout avoir plaisir à dessiner. Sans contrainte. Il est plus simple de souffrir qu’à chercher son plaisir. Les voyages aussi attendront. J’ai envie de m’étonner mais je m’accorde un peu de temps. Une pause, pas une retraite. Je cherche toujours.
Le Lombard ©
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