Cela faisait un bout de temps qu’on n’avait pas vraiment entendu parler de Jean-Pierre Autheman, créateur de Condor, marin bourlingueur, un peu le précurseur de Tramp de Jusseaume. Autheman c’était aussi des polars bien tordus, écrits et dessinés format roman en noir et blanc, sous le soleil de Camargue. Le Filet de Saint-Pierre avait ouvert le bal dans ce format, si nos souvenirs sont bons, assez atypique. Il sera primé à Angoulême pour Vic Valence et revient aujourd’hui avec une compilation façon pavé de cinq des ses polars emblématiques. Dire que l’ouvrage fait le poids n’est pas qu’une image. Le talent y est bien sûr, le volume aussi. On se cale bien dans un fauteuil, on pose Aux Carrefours du destin (nom générique du recueil) sur le haut des jambes et en voiture Simone, direction la Crau, Arles et l’Espiguette, Beauduc. Un lutrin, c’est pas mal non plus.
Dans Le Filet de Saint-Pierre, un classique,les vieux résistants reprennent du service. L’Iran a viré le shah et l’un de ses ministres aurait été enlevé. Morin rameute ses copains de réseau nommé le filet. Lui son pseudo, c’était Saint-Pierre. CQFD. On lui a demandé de faire le service après-vente. Direction Beauduc, zone privilégiée et anarchique près de la grande bleue. La capitaine Baron dit Némo, agent du SDEC, est sur place avec deux de ses hommes qui connaissent mal les poissons du coin. Surtout ceux qui piquent. Va y avoir dérapage, le ministre débarque avec quelques malfaisants qui ne font pas le poids. On se raconte la vie, on fait des gaffes et la vérité n’est pas celle qu’on croit. Fine mouche Morin. Du polar grand écran. Second titre, Place des hommes, un matador, Montès, qui hérite d’un hôtel délabré en Arles. Tous le veulent pour en faire une opération immobilière. Mais José Montés est un têtu. Il la garde sa ruine. D’autant qu’elle contient peut-être des secrets. En prime il y a un contrat sur sa tête au torero. Il aurait buté le fils d’un truand. Son copain Patouille squatte les lieux. Il rouvre l’hôtel et une curieuse cliente débarque. Elle veut elle-aussi racheter l’hôtel. Trois autres titres sont dans le recueil, Le célèbre Pet du diable, La passe du manchot et Exotissimo.
Avec le recul, on trouve un petit côté Tardi au dessin d’Autheman. Pour beaucoup, ce sera une découverte ces polars une surtout pas manquer. Autheman s’est retiré de la BD et c’est bien dommage. Il continue à illustrer. On avait publié un Condor à l’époque dont il avait gardé le scénario, Rousseau ayant repris le dessin. Le relire est un plaisir tant son talent est puissant, n’a pas pris une ride. Autheman est un conteur, un novateur qui avait osé amener la BD vers ce qu’on appellera le roman graphique, terme aujourd’hui sans âme et galvaudé. 900 pages et autant de petits délices à savourer.
Aux Carrefours du destin, Cinq polars autour du monde, Glénat Hors Collection, 45 €
Articles similaires