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Je vais rester, à en perdre la tête

C’est quand même une drôle d’idée de se faire décapiter à Palavas, en plein été, en se promenant main dans la main avec sa femme. C’est pourtant ce qui arrive à Roland qui prend en pleine poire un panneau publicitaire arraché par le vent. Guillotiné en public le Roland. Quant à Fabienne, se femme, elle en reste baba et confondue. Lewis Trondheim, à partir d’un faits-divers hors normes, signe le portrait d’une femme qui découvre d’un seul coup que l’improbable ce n’est pas que pour les autres et qu’après tout la vie est courte. Sidérée au sens propre du terme, elle coupe les ponts Fabienne et fait cavalier seul, ce dont elle devait rêver depuis longtemps. Une balade peu disante scandée par le dessin expressif, chaleureux de Hubert Chevillard qui promène Fabienne dans les rues ensoleillées de Palavas où son mari avait tout prévu à l’avance pour leurs vacances estivales sans imprévus. Il a été gâté.

Ils arrivent sereins à Palavas où ils ont loué un appartement Fabienne et Roland. En avance ils se garent et se promènent sur le bord de mer. Mais le mistral, pas chargé de parfums et de musique jolies comme celui de Brassens, emporte un panneau aux bords aiguisés. Et crac, plus de tête Roland. Regard hagard Fabienne qui ne dit pas un mot, les yeux ronds, récupère l’appartement et ses bagages. Que les vacances commencent sur les quais, le petit téléphérique et quelques contacts familiaux pour dire que, non elle ne sera pas à l’enterrement de son raccourci de mari. Direction les arènes de Palavas, moches à souhait, pour un toro piscine. Au passage un contact avec Paco qui se trimballe avec une petite bouteille pleine d’urine. Elle le retrouve le lendemain et commence alors un échange curieux entre Paco et Fabienne qui dit attendre son fiancé. Elle aimerait s’installer avec lui et avoir un enfant.

Pas vraiment certain qu’elle ait disjoncté Fabienne. Elle se dit que sa vie a été jusque là sans surprises, sous contrôle de Roland qui notait tout dans un petit carnet, programmée, sans sourire et sans plaisir. Elle redécouvre les petits bonheurs. Son nouveau statut de veuve n’est pas un grand malheur mais une opportunité. Elle fait son deuil à sa façon et Paco, spécialiste des morts idiotes, cette fois il est comblé, en sera le fil rouge, sans plus. Si on est surpris au début de cette étrange aventure, on en ressent ensuite toute l’étonnante justesse de ton. On est tout autant sidéré que Fabienne en se disant, qu’après tout, la mort peut aider parfois à revivre. Chevillard, Trondheim et Fabienne, un trio inattendu et surprenant. On en perdrait la tête.

Je vais rester, Rue de Sèvres, 18 €

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