A première vue on plonge dans un polar au dessin et au thème rétro, une histoire de privés, de journalistes purs et durs, d’événements bizarres dignes de la Quatrième dimension. A condition d’en avoir été un des spectateurs assidus en son temps de noir et blanc. La ligne est claire, à la Chaland, Serge Clerc. Quant au titre, L’Invasion silencieuse, il peut quand même mettre sur la piste si on a été, aussi, un fan de la série TV Les Envahisseurs au petit doigt décollé impliable découverts par David Vincent, endormi au volant de sa voiture et réveillé par une soucoupe volante. On remet donc les pendules à l’heure mais avec Michael Cherkas et Larry Hancock, on dépasse sur le fond ces classiques de la SF. L’Invasion silencieuse est beaucoup plus sournoise, politique, tordue même si déjà complotisme et dégénérescence de l’humanité ouvraient la porte aux Envahisseurs pré-cités.
1952, aux USA, Dick est un privé sur la trace de Fanny Hobbs qui a disparu. Il attend un contact en plein désert qui ne vient pas. Sur le chemin du retour un engin spatial passe sur son véhicule retrouvé le matin vide par la police. Matt est reporter est sûr que les extraterrestres existent alors que l’Air Force dément tout engin suspect. Ou alors en pleine guerre froide ce ne peut-être que des communistes comme ceux que le FBI recherche dans tout le pays. Son rédacteur en chef publie un article mettant sur le compte du méthane les curieux phénomènes recensés. Pourtant des témoignages sur des engins spatiaux affluent. Obsédé par les soucoupes même sa famille le prend pour un parano. En prime, à son domicile il soupçonne ses voisins de palier d’être des espions soviétiques. Un flic, Housley, est pourtant sur l’enquête des soucoupes. Mais il semble bien qu’on veuille enterre l’affaire et Matt dérange.
Une montée en puissance rapide et bien cadrée. Ce début des années cinquante avec la guerre en Corée est aux USA le règne de l’absurdité par la désinformation. Oui, la chasse aux sorcières communistes du sénateur MacCarthy qui épurait même le milieu cinématographique comme Charlie Chaplin obligé de quitter le pays, a aussi bien eu lieu. La menace vient éventuellement du ciel mais surtout de l’Est dans l’esprit des Américains et elle va durer jusqu’à la fin de l’URSS (qui va laisser orphelins les USA) avec le paroxysme de l’affaire des missiles russes à Cuba. Les USA ont toujours eu besoin d’un ennemi, URSS, Vietnam. Ils passeront à l’Iran, l’Irak, l’Afghanistan. La paranoïa à l’échelle d’un pays maître du monde, c’est le plus inquiétant quand on écoutait encore le dernier président US en place parler de la Corée du Nord. Pour le récit, il faut s’accrocher aux basques du reporter au petit look de Dick Tracy dans cette série qui paraîtra en quatre tomes dont trois sont déjà sortis aux USA.
L’Invasion silencieuse, Tome 1, Delcourt, 13,50 €
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