Son nom a scandé un bon nombre de faits-divers et procès de la fin du XXe siècle. Jacques Vergès aurait pu être un Talleyrand en son temps encore que l’appréciation de Napoléon à son sujet ne soit pas un compliment. Vergès a été incontournable pour toute une génération de journalistes comme avant lui un Tixier Vignancourt. Dans Vergès, une nuit avec le diable, il se livre en direct à un visiteur inconnu, sans peur et avec même une désinvolture qui colle avec son personnage. Jean-Charles Chapuzet est journaliste avant d’être scénariste. Ce qui se lit de suite. On se souvient de son Affaire Zola. Guillaume Martinez (Une Vie) a su saisir par son dessin très construit, révélateur les mille et une facettes de ce caméléon de Vergès, pourtant si difficile à cerner. Vergès à nu ? Non pas totalement car il était homme des ombres mais quand même éclairé par les projecteurs désormais de l’Histoire.
Un cambrioleur qui tombe sur Jacques Vergès chez lui. Il va lui raconter sa vie, ses combats qui ne sont pas le fruit du hasard. 1928, sa mère meurt, elle est vietnamienne, son père diplomate et créole. A La Réunion en 1932 il se bat avec les autres enfants, mais apprend à se défendre. Madagascar en 35, il sait qu’il doit combattre le colonialisme. 1942 la guerre avec son frère Paul. Résistant et gaulliste. 1945, il sillonne l’Algérie, le Maroc, Italie, Allemagne. Vergès affute sa conscience politique. Paris, communiste, la révolution est en marche à ses yeux. Il croise les futurs leaders dont Pol Pot. Il fait du Droit, devient avocat et part à Alger défendre des membres du FLN. La torture, les enlèvements, les peines de mort, la guerre d’Algérie est son terrain de chasse. Djamila Bouhired condamnée à mort. Graciée grâce à Vergès. Il l’épouse. Ali La Pointe du FLN qu’on fait sauter dans sa maison de la Casbah pendant la bataille d’Alger, Vergès est arrêté car soupçonné d’aider le FLN.
Ensuite Vergès sera sur tous les fronts d’une certaine forme d’extrémisme. USA, Amérique du Sud, Lumumba en Afrique, Mandela, le Cambodge, Che Guevara, la Palestine, Mao. Il était partout, dérangeait, devenu l’avocat de la terreur. Il est aussi une cible que l’on va croire mort. Vergès a su entretenir sa légende, disparaître, ne jamais dire où, pourquoi. Agent de qui ? Stasi ? Et puis il va défendre Barbie, est l’ami de Carlos. Un excellent décryptage cet album que Jean-Charles Chapuzet a très largement tiré de son entretien avec Vergès. Le diable a mille visages. Pourquoi pas celui de Vergès. Mais pas si sûr, car c’était quoiqu’on en pense un homme de foi. Passionnant et saisissant.
Vergès, Une nuit avec le diable, Glénat, 22,5 €
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