Pour un premier essai de roman graphique, Chadia Chaïbi-Loueslati a réussi un coup de maître. En racontant la vie de sa famille et la sienne, son enfance, elle transmet un joli message d’amour et de fraternité. Pas facile de se retrouver treize à la maison, un petit appartement où il faudra pour bien vivre toute la tendresse d’une smala dont les fondateurs ont quitté la Tunisie au milieu des années soixante afin de venir s’installer et travailler en France. Chadia Chaïbi-Loueslati reprend par le détail avec à la fois humour et réalisme cette épopée émouvante mais pétillante, petite fille témoin parfois narquois mais toujours tendre.
Quand le Daron, c’est le père, vient travailler en France il laisse sa femme, Omi, en Tunisie. Quand il peut enfin la faire venir la famille on en est à quatre rejetons. La cinquième en 1974 sera Chadia. S’installer en plein Paris serait le rêve mais un escroc va tenter de spolier la famille. C’est mal connaître Omi qui réussit à récupérer les économies du foyer. De nouveau enceinte et bien décidée à obtenir un logement social, Omi va squatter l’Office des HLM et obtiendra satisfaction. En 1976, on passe à six chez Chadia mais l’appartement est là pour accueillir tout le monde. Direction l’école. Chadia passe entre les mains peu averties d’Omi pour tailler ses cheveux. Le résultat la marquera à vie. La famille ne cesse de s’agrandir et la vie n’est pas simple pour les enfants. Petite souris qui oublie de passer, Dorothée à la TV, vêtements transmis de frère en sœur, eau de javel purificatrice, la brioche du Daron, le téléphone infernal, la 504 familiale et un voyage pour le bled pour ses 11 ans, Chadia dit tout.
Combien de litres de lait maternel au fil des naissances, combien de centaines de litres d’eau pour laver la famille ou le linge, les recettes tunisiennes dont l’incontournable mloukhia et l’assida, le mouton de l’Aid, Chadia Chaïbi-Loueslati est une narratrice fidèle mais enjouée, qui trace en plus de belle façon ses tranches de vie d’un trait souriant, jouant sur la mise en page, les gros plans et les cadrages. Il n’y a pas de tristesse dans le récit mais au contraire beaucoup de joie que l’on sent authentique. Quelques petits regrets peut-être comme en ont tous les enfants, surtout ceux des familles nombreuses, croyez en l’expérience d’un ainé de sept. Immigration, intégration en arrière plan, Famille nombreuse est avant tout une superbe leçon de vie, de courage et la découverte d’une auteure spécialisée en jeunesse qui fait de beaux débuts dans la BD.
Famille nombreuse, Marabulles, 17,90 €
Un grand merci pour cet article !