Sacha Guitry est l’un des plus grands maîtres de la littérature contemporaine. Touche-à-tout génial, personnage haut en couleur, acteur, il a marqué sans contestation possible les Lettres du XXe siècle. Et pourtant qui se souvient de Guitry, de sa voix inimitable, de ses pièces de théâtre, de ses films ? Guitry était de plus un homme à femmes, et non des moindres pour l’époque. Un sens acéré de la formule, jongleur de mots, Guitry renait sous la plume de François Dimberton et le crayon au dessin de Alexis Chabert qui avait consacré un premier ouvrage dans la même collection à Louis de Funès. Deux hommes finalement pas si éloignés que ça au moins pour leur amour de la scène sous toutes ses formes.
Avant d’être Sacha Guitry, il aura été le fils de son père, Lucien, amant de Sarah Bernhardt. Une concurrence redoutable pour l’un comme pour l’autre car Lucien est un acteur reconnu et un amant infidèle. Sacha va hériter des deux qualités-défauts de son père. Il est né à Saint-Pétersbourg par le hasard d’une tournée. Sacha a son premier rôle aux côtés de son père. Il commence par se consacrer au dessin et aux femmes évidemment. Mais c’est le théâtre qui attire Sacha avec au passage la jeune actrice Charlotte Lysés. En 1905 sa pièce Nono est un succès. Et les répliques savoureuses, piquantes, méchantes mais toujours si bien écrites de Guitry deviennent des incontournables. Désormais sa vie ne sera plus qu’une accumulation de réussites qu’il payera parfois cher, jalousé par les médiocres.
Il avait du panache, une gueule et surtout un sens inné de la formule. « Deux personnes mariées peuvent-elles s’aimer ? Sans doute si elles ne sont pas mariées ensemble ». Ou encore extraite de la pièce Faisons un rêve, mais il y en a des centaines : « J’ai horreur d’interrompre une dispute dans un couple, ça peut empêcher que les choses s’enveniment ». Dimberton en ponctue tout l’album pour le plaisir du lecteur. Un humour caustique, parfois noir, désabusé, mais toujours élégant. Guitry c’est la grâce, l’intelligence. Yvonne Printemps sera l’une de ses muses comme Jacqueline Delubac ou Arletty son amie. Pasteur, Désiré, Mon Père avait raison, Mémoires d’un tricheur, il adapte ses pièces au cinéma où il créé le célèbre Si Versailles m’était conté. Il sera inquiété fort injustement à la Libération et sera emprisonné. Il en tirera un livre, 60 jours de prison, comme celui sur ses médecins qui est un monument à la fois d’angoisse, de recul, drôle et subtil. Marié cinq fois mais surtout avec 124 pièces de théâtre et une quarantaine de films, Guitry que font découvrir ou redécouvrir de fort belle façon Dimberton et Chabert (et aux couleurs Magali Paillat) méritait largement cet hommage clair, enjoué et surtout dans lequel le bel esprit si attachant de Guitry s’exprime en toute liberté.
Sacha Guitry, Une vie en bande dessinée, Delcourt, 17,95 €
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