Avec Une Histoire des Tirailleurs en BD peu de temps après la sortie du film qui évoque le sacrifice dans les tranchées de 14 des troupes africaines noires aux côtés des Poilus, on revient sur une page de l’Histoire de France certes connue sur la forme, mais aussi méconnue sur le fond quant à la mise en place d’un système colonial étendu de l’Indochine à l’Afrique ou au Maghreb. En en faisant une saga à la fois historique mais romanesque, entrecoupée de rappels précis sur les textes de loi, Jaurès ou les décisions d’état, Frédéric Chabaud au scénario et Julien Monier (RIP) au dessin témoignent avant tout sans tomber dans la facilité du jugement hâtif. C’est la raison pour laquelle leur album est important et doit être mis en exergue pour diffusion même si ils ne sont pas premiers sur le sujet. On retiendra cependant l’excellent La Force Noire d’Eric Deroo et Antoine Champeaux, « gloire et infortunes d’une légende coloniale », chez Tallandier, ultra documenté et riche d’une iconographie remarquable.
Jaurès bien que contre la guerre, en juillet 1914, sait qu’elle est inévitable. Il la refuse et en mourra assassiné. Le même été en Afrique au Sénégal, Yacouba vit sa jeunesse, amoureux de la belle Aissatou. Le Grio raconte des histoires et il sait que l’homme blanc va venir chercher leurs enfants pour les mener à la guerre. Les soldats arrivent, la France a besoin de combattants. Chaque famille doit en fournir un. Yacouba est désigné avec plusieurs de ses amis. A la caserne de Louga il va être équipé, formé puis c’est Dakar et le bateau pour Marseille avec Qui de Mousa, D’Issa et Djibrill le guerrier. Étonnement des civils, curiosité et des officiers souvent méprisants sauf le lieutenant Villefort qui est proche de ses hommes. La Force Noire comme la nomme le général Mangin qui la revendique pour le front découvre aussi le froid, la neige et en souffre. De plus peu parle français et leurs coutumes difficilement respectées. Djibrill est nommé caporal. Première attaque, et la mort est au rendez-vous avec son lot de violence sauvage.
Les Tirailleurs remettront l’uniforme en 1939 après avoir été vivement rapatriés en 1919 et avoir pour certains servis dans les troupes d’Occupation en Allemagne, ce qui sera considéré comme une honte par la population raciste. En 1939 ces mêmes Tirailleurs seront souvent abattus par l’armée allemande qui n’en fera pas des prisonniers. Leur courage sur le front a été souvent imparable. La chair à canon pour l’état-major français n’avait pas vraiment de couleur de peau et le recrutement outre-mer logique et indispensable. Les pertes seront lourdes. 71 000 morts pour les soldats « indigènes », 1,31 million de tués au total côté français. Chez eux en Afrique ils attendront une vraie reconnaissance comme en 1945 leurs fils, vétérans souvent de la France Libre qui auront pris conscience de ce qu’est la colonisation et auront la volonté d’indépendance. L’album regroupe toutes les troupes « indigènes », même chinoises, vietnamiennes. On n’oubliera pas non plus les Harkis mais c’est une autre histoire. Un album important comme déjà chez l’éditeur Une Histoire de la Guerre d’Algérie et Une Histoire du génocide des Arméniens.
Une Histoire des Tirailleurs, Éditions Petit à Petit, 17,90 €
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