Pour être tout à fait honnête la Princesse de Clèves, c’est surtout dans le souvenir de bon nombre d’ex-adolescents la très belle Marina Vlady dans le film de Jean Delannoy en 1961. Son mari chagrin qu’elle n’aime pas, c’est Jean Marais. Le couple a donné vie à une sorte de mythe amoureux dans lequel, pas un instant, la Princesse ne pouvait passer pour une bimbette. Ferme et fidèle, pas virulente la dame face à ce Nemours qui lui avait fait une faille au cœur qui finira par avoir la peau de son mari. Le film nous avait fait lire le livre pratiquement aussi languissant mais sans Marina, histoire quand même de ne pas décrocher face aux copines qui le mettait sur un piédestal. On n’était pas loin du phénomène Vian avec L’Écume des Jours mais loin de J’irai cracher sur vos tombes. Revenons à Je t’aime, moi non plus. Claire Bouilhac et Catel Muller ont voulu redonner une seconde jeunesse au roman de Madame de La Fayette. Elles se sont partagées dessins et scénario, une œuvre commune à laquelle elles rajoutent, et c’est peut-être le vrai plus de l’album, les digressions sur la création littéraire de Madame de La Fayette avec son ami De La Rochefoucauld puis avec sa copine la divine marquise de Sévigné.
Elle est belle, riche, très noble, prête à marier Mademoiselle de Chartres. Sa mère l’emmène à la cour d’Henri II où elle fait un tabac. Guise lui ferait bien un sort, la dauphine l’apprécie mais c’est finalement le Prince de Clèves qui l’emporte. Sauf qu’elle ne l’aime pas le lui dit mais accepte de l’épouser. C’est la règle. Tous ont amant et maîtresse. Elle n’a qu’à faire comme tout le monde qui passe son temps à ses jeux amoureux. Devenue princesse, elle aura un coup de foudre, le seul de sa vie, pour le sémillant Monsieur de Nemours, un séducteur qui ratisse large. Mais elle est fidèle la princesse. Même sa mère préfère mourir que d’apprendre qu’elle pourrait succomber à la tentation. Une galanterie comme l’écrit cette bonne Madame de Lafayette dans son roman et qui donne l’impression qu’à la cour de France on ne pense qu’à ça. Des obsédés mais avec du chic et du chien. Son mari a compris, se languit qu’elle ne l’aime pas, sait que Nemours est en embuscade et que sa femme est captivée. Des intrigues, un lettre perdue, rien n’y fait. Un roc, la princesse. Devenue veuve, elle aime le bellâtre, le lui dit mais elle ne craque pas. Lucide, elle sait que si elle cède, une autre finira par prendra sa place. Pas folle la guêpe. Échec et mat, elle s’enferme au couvent.
En adaptant ce roman, Catel Muller et Claire Bouilhac ont donné en parallèle la parole à son auteure, Madame de La Fayette. Un hommage prononcé parfois languissant à deux femmes, la créatrice et sa créature qui, à leur façon, vont imposer leur différence et leur indépendance. On a tendance à vouloir la remuer la princesse qui se la joue évanescente.
On apprécie par contre les personnages secondaires, les tours tordus de cour et de parcours bien mis en scène. Un travail solide et inventif. En fait qu’est ce qui la guide la princesse ? La certitude, et elle a raison, que si elle cède à Nemours, il va la virer dans la foulée. Elle, c’est seul l’amour éternel qui compte, comme celui de son prince, mais ce n’est pas une cause entendue à laquelle une femme doit se soumettre selon le bon plaisir masculin et, au mieux, un sentiment réciproque partagé. Dont acte mais bon…
La Princesse de Clèves, Dargaud, 24,99 €
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