Dans le Fils du yéti (Casterman), Didier Tronchet, avec beaucoup d’émotion, raconte dans ce très bel album des tranches de vie en grande partie autobiographiques. Son héros, un auteur de BD, voit sa vie mise au grand jour après un incendie qui l’a poussé à jeter ses albums de photos. Un père perdu trop jeune, des copains à la vie et pourquoi pas à la mort, une famille éclatée et un jeune neveu qui pourrait être son fils, Didier Tronchet s’est aussi livré à Ligne Claire pendant une rencontre parisienne dans le cadre du Salon du Livre. Tronchet sera présent à Aix les 12 et 13 avril pour Les Rencontres du 9e Art.
Didier Tronchet, dans ce Fils du Yéti on se dit que c’est beaucoup vous le héros.
Forcément. Je ne peux pas raconter une histoire si je ne m’en sens pas proche. Oui, l’incendie je l’ai vécu. Cela dit l’excès de pathos dans un récit me dérange. Mon rôle d’auteur est de mettre en forme le récit. C’est une question de politesse pour les lecteurs.
On sent bien sûr l’absence du père qui vous pèse.
Il y a bien sûr un rapport évident au père absent que le héros va retrouver grâce à une lettre qu’il lui a écrite avant sa mort et qu’on ne lui a pas donnée. C’est lui qui va la découvrir et l’image de son père va changer, s’humaniser. Au départ Le Fils du yéti est un roman que j’ai publié chez Flammarion. J’ai repris le manuscrit. En fait il fallait découvrir la véritable substance contenue dans le récit. Dans un Stephen King, un indice mineur peut faire la différence. Ensuite, il faut dérouler l’écheveau. Il faut se surprendre soi-même et l’histoire peut se retrouver hors de contrôle.
L’incendie du début est ce premier fil rouge ?
Oui, il me renvoie à moi-même et le récit va crescendo. Ensuite ce sont les albums photos qui ont un effet boomerang. Il y en a une de mon père où on sent sa vérité à l’égard de son fils. Il y a une grande vérité émotionnelle dans ce lien qui se renoue. Cela dit je fais attention à ne pas prendre le lecteur en otage. On a un langage commun. On a tous eu un père.
Le déménagement de l’un des copains du héros du Yéti est aussi un moment difficile. Il campe au milieu de la rue. Il vous ressemble ?
J’ai effectivement un problème avec le déménagement. Cela me met mal à l’aise. Je me sens en danger. Pour la mort de mon père, j’étais très jeune, ma mère a pensé que je n’étais pas conscient. Elle avait trois enfants, elle était veuve et dépassée.
Dans Le Yéti il y a beaucoup de pistes, toujours émouvantes, vraies et ludiques comme votre passion du foot.
Le yéti c’est aussi un road-movie. Le héros part avec son neveu à la recherche de sa propre enfance dans une maison où sont ses attaches et il va trouver la fameuse lettre, lire avec le jeune garçon Tintin au Tibet. Il écrira une lui une lettre aussi qu’il laissera dans cette maison pour un hypothétique fils. C’est une digression romanesque. L’erreur quand on est parent est de vouloir que ses enfants arrivent vite à l’âge adulte. Pour le foot oui j’aime et c’est un peu pour cela que les frères Revelli, joueurs mythiques de l’équipe de Saint-Étienne de la grande époque font un petit tour de pédalo. Mon héros est un looser sentimental qui réussi à se dépasser. Et le Yéti c’est un peu le père avec qui il peut enfin renouer des sentiments authentiques.
Un autre clin d’œil c’est la légende de la mort de Paul Mac Cartney remplacé par un sosie et que Lennon annoncerait de façon codée dans des chansons.
Oui, vous ne connaissiez pas cette légende ? C’est aussi un sourire à ma jeunesse.
Après ce Yéti, quels sont vos projets ?
J’ai beaucoup collaboré à XXI pour des reportages dessinés en Amérique du Sud. Pour mes personnages existants je crois qu’il faut savoir laisser tomber ceux qui ont bien vécu leur vie, savoir arrêter au bon moment.
Le Fils du yéti, Casterman, 16 €
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