Même si on savait que Juan Díaz Canales était aussi dessinateur, c’est sa signature de quelques-uns des plus brillants scénarios récents que l’on connaissait sous son nom, de Blacksad à Corto Maltese. Comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Canales a endossé son profil d’auteur complet en publiant Au Fil de l’eau, drame métaphysique et philosophique en noir et blanc dans une Espagne contemporaine qui vit encore au rythme de son passé franquiste dont les traces sont toujours bien présentes. Canales hésite sur le ton de son récit ou, mieux en fait, fait hésiter ses lecteurs sur là où il veut les emmener. Polar ou pas ? Chronique sociale ? A voir de plus près.
Ils sont octogénaires et vivent de petits trafics, amis de combats quand il fallait défendre la liberté dans les années trente en Espagne. L’un d’eux, Longinos, est assassiné. Les trois autres, Niceto, Urbano, Godofredo, constatent que trop parler peut-être dangereux. Mais parler de quoi, de quel secret ? Niceto vit avec son petit-fils dont la femme est enceinte et le père médecin légiste. Les obsèques vont être la cause d’un scandale. Urbano traite le prêtre de menteur et l’accuse de savoir. Urbano est tué à son tour. A qui le tour ?
Il faut rester sur le suspense qui régit l’histoire. On ne s’attend pas à la fin du chapitre, à la cause de ses assassinats. On est à la fois surpris et étonné car déstabilisé. Canales donne sa vision finalement très juste de la vie mais d’où le désespoir de la mort, de la fin de vie est omniprésent. Un récit très personnel qui lui a permis de mettre en place ce récit étonnant, encore une fois qu’il faut découvrir. Un trait assez souple et ferme aussi qui appuie le discours sans concession, angoissant.
Au Fil de l’eau, Rue de Sèvres, 17 €
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